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de quitter la vie contemplative pour se jeter dans le tourbillon du monde, et pour chercher la publicité. La presse est pour lui le fruit défendu : s’il en mange, il s’enivre. Il l’avait déjà prouvé au XVIe siècle, où la liberté de la presse produisit de si déplorables résultats. Les livres publiés alors par les ecclésiastiques étaient à la hauteur des prédications du temps. Ce que le clergé doit voir avant tout dans l’histoire de la ligue, c’est qu’il s’exposerait aux plus grands dangers et à une ruine inévitable, si, cessant d’être gallican, il se soumettait aux jésuites.

Mais, dira-t-on, qu’importent les excès commis au XVIe siècle ? Peut-on jamais supposer qu’ils se renouvellent aujourd’hui ? Ne sommes-nous pas les enfans de la révolution, et la France régénérée par les efforts victorieux des philosophes du XVIIIe siècle doit-elle craindre de nouveau d’entendre ces voix furibondes ? Malheureusement, on voudrait en vain le cacher, tous ces emportemens se reproduisent aujourd’hui par l’influence des jésuites. Rien n’est plus affligeant, monsieur, que ces écarts. Ce ne sont plus des enfans perdus, de pauvres jeunes gens, qui, à la sortie d’un séminaire, taillent leur plume et se jettent dans la mêlée ; ce sont les membres les plus graves du clergé, des évêques, des archevêques, en communication habituelle avec les journaux, écrivant sans cesse des diatribes violentes contre les institutions de notre pays, calomniant notre siècle, calomniant et insultant les individus. Il semble qu’en touchant aux journaux, ils aient été saisis de vertige. Écrire dans les feuilles quotidiennes est devenu pour eux un besoin de tous les instans ; ils ont la soif du journalisme, et leurs écrits se signalent par une véhémence qui dépasse toutes les bornes. L’attaque a provoqué naturellement la réponse, et l’on s’est moqué tout doucement de leurs fureurs. Ces railleries, fort innocentes, les ont excités à un point extraordinaire, et cela devait arriver chez des hommes qui ne connaissent pas la vie réelle, et qui ne sont pas accoutumés à ce genre de luttes. Ils croyaient lancer la foudre, et il s’est trouvé qu’ils avaient fait un article de journal. Vraiment il en coûte beaucoup d’aller chercher des évêques pour les prendre à partie ; mais, si on les arrache à leur retraite, c’est qu’ils l’ont bien voulu. Au lieu de prier et de travailler à répandre les préceptes de la morale dans le peuple, ils se sont jetés dans l’arène, ils ont distribué des coups de droite et de gauche. Souvent on s’est écarté pour laisser passer ces lutteurs à cheveux blancs qu’on pouvait prendre pour des martyrs ; mais, enfin, le doute n’a plus été possible, car les coups pleuvaient, et il a fallu