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même, lorsqu’on s’en tient au sens qui paraît le plus simple et le plus clair, contient une foule de faits et de récits capables de blesser vivement les oreilles les plus aguerries, et que c’est pour cela que depuis long-temps l’église a défendu la lecture de la Bible en langue vulgaire, de crainte que cette lecture ne devînt un sujet de scandale.

Je me propose, monsieur, de repousser prochainement les attaques si vives, si injustes du clergé contre l’Université, qu’en style biblique M. l’évêque de Belley, dans son mandement sur le dernier carême, appelle une école de pestilence, et à laquelle M. l’évêque de Chartres prodigue charitablement tous les superlatifs de l’injure. Je reprendrai alors l’examen de certaines questions qui intéressent grandement le pays, et je prouverai, par un grand nombre de citations, qu’on a employé envers beaucoup d’autres personnes le procédé à l’aide duquel on a su calomnier les intentions de M. Cousin et de M. Jouffroy. Aujourd’hui, je dois me borner à exposer généralement les tendances du clergé, et à rechercher comment il entend la liberté des cultes et la tolérance religieuse.

Ce qui paraît avoir causé le plus d’émotion au clergé, c’est une assertion souvent répétée par des hommes graves, par des écrivains distingués. Voyant la décadence du christianisme, ils ont avancé qu’à leurs yeux cette religion n’avait plus une action morale suffisante sur la société. C’est là une opinion que l’étude de l’histoire avait fait naître dans certains esprits, et que l’examen de ce qui se passe de notre temps devait nécessairement consolider. — Comment ! s’écrient avec colère les défenseurs du clergé, vous osez dire que le christianisme s’affaiblit ! Vous mentez : il se relève, il prospère, il est victorieux. Voyez les jésuites, les dominicains, les trappistes, qui nous apportent de nouveau la foi et les lumières ! Voyez ces néo-chrétiens qui surgissent de toutes parts ! — Je reviendrai, monsieur, sur les néo-chrétiens ; pour le moment, il faut remarquer qu’en ceci, comme dans sa politique générale, le clergé français a suivi simultanément deux directions fort différentes. Pendant qu’on annonçait à grand bruit au public les magnifiques succès du christianisme, on déclarait au gouvernement que la religion était gravement compromise, si l’on exigeait que les professeurs des séminaires fussent bacheliers ès-lettres. Les vocations sont rares, dit M. l’évêque de Versailles dans la fameuse Protestation de l’épiscopat français[1]. Si vous

  1. Protestation de l’épiscopat français contre le projet de loi sur l’instruction secondaire, Paris, 1841, in-8o, p. 31.