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donner à faire à ses agens que des choses simples, dans lesquelles il puisse aisément les surveiller et les contrôler. Le monopole des postes et celui des tabacs étant des opérations relativement faciles où il ne s’agit que du plus ou du moins dans les bénéfices, on ne s’étonne pas donc qu’il persiste à les retenir. De même pour les travaux des routes royales ; la réparation de ces voies de communication n’exige de sa part aucun autre effort que l’achat des matériaux et le salaire des cantonniers quand elle se fait en régie, et la surveillance des entrepreneurs lorsque l’état n’intervient pas directement. Encore faut-il remarquer que les routes départementales, qui relèvent d’une autorité, d’un contrôle plus souvent présent que le sien, paraissent en général beaucoup mieux entretenues.

Mais, pour administrer un chemin de fer, il ne suffit pas de mettre la voie en bon état d’entretien, ni d’avoir un approvisionnement constant de matériaux. Outre la besogne de l’ingénieur, on a de plus celle de l’entrepreneur de transports ; on voiture les voyageurs et les marchandises, on a la charge d’un matériel immense, locomotives et wagons à réparer et à renouveler, pour lequel on doit élever des ateliers de construction ; des marchés de houille, de fer et de bois, tiennent incessamment la spéculation en éveil ; des omnibus à établir dans les grandes villes, les correspondances à entretenir avec les messageries qui amènent les voyageurs des localités voisines, jusqu’à des opérations de crédit à mener à fin ; tout cela suppose une habileté, une précision de calcul dont le gouvernement est incapable, et que ses agens n’auraient pas la liberté de déployer quand ils le voudraient.

La Belgique est un petit état qui s’administre comme une province, et qui, n’ayant pas des préoccupations politiques bien profondes, pouvait faire une affaire de son réseau de chemin de fer. Cependant l’expérience qu’elle a tentée ne semble pas avoir obtenu un grand succès. Il ne faut qu’avoir parcouru les lignes belges pour être pleinement édifié sur le mérite de cette administration, et, quant à la France, on se rendra compte du degré d’intelligence et d’activité que les agens ministériels portent dans l’exploitation des tronçons de Lille et de Valenciennes à la frontière belge, quand on saura que les voyageurs préfèrent suivre la route de terre jusqu’à Mouscron et jusqu’à Quiévrain.

L’état ne pouvant pas exploiter lui-même les chemins de fer, le but qu’il poursuit, en abrégeant la durée des concessions, c’est donc l’avantage de disposer plus librement des tarifs. Il veut avoir plus tôt