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LES CHEMINS DE FER.

que plus tard la faculté de réduire le prix du transport sur les chemins de fer ; c’est un véritable dégrèvement d’impôt qu’il se propose au profit des voyageurs qui préfèrent ce mode de locomotion. Une pareille pensée a quelque chose de grand et de généreux qui séduit au premier aspect ; elle découle d’ailleurs des précédens établis en France, qui sont la gratuité pour les routes de terre ainsi que pour les fleuves, et des tarifs peu élevés sur les canaux.

En principe, un gouvernement qui peut faire une remise d’impôt doit alléger de préférence les taxes qui portent sur tout le monde ou sur le plus grand nombre, dégrever par exemple la viande, le sel et le vin. En est-il ainsi du péage perçu par les compagnies de chemins de fer ? N’est-ce pas au contraire un impôt spécial et limité, qui affecte principalement les classes aisées de la population, et dont les classes laborieuses ont assez peu à souffrir ? Les ouvriers et les paysans ne disposent pas de leur temps et partant voyagent peu. Ce sont les propriétaires, les rentiers, les commerçans et les industriels qui fréquentent les chemins de fer, et à qui profite par conséquent l’économie de temps et d’argent réalisée par ces voies nouvelles de communication. Sans doute la communauté tout entière en ressent par contre-coup les avantages : les affaires se faisant plus vite et à moindres frais, se font mieux, et il en résulte une forte impulsion donnée au mouvement social ; mais le bénéfice que les chemins de fer procurent au pays par leur seul établissement est assez grand pour que l’état n’ait pas besoin d’acheter au prix d’une dépense additionnelle une séduction dans les tarifs de transport dont le petit nombre seul pourrait jouir, car, en agissant de la sorte, on frapperait véritablement un impôt sur la société tout entière pour diminuer le poids d’une taxe que les heureux de ce monde sont principalement appelés à supporter.

Ce que les voyageurs paient pour le transport sur les chemins de fer est le prix d’un service ; il n’y a pas d’impôt plus légitime ni mieux réparti. Le législateur, en fixant une limite maximum au-dessus de laquelle les tarifs ne devront s’élever dans aucun cas, les a d’ailleurs marqués d’un caractère de perpétuité qui est tout au détriment de l’entreprise et tout à l’avantage de la société. La valeur de l’argent baisse rapidement en France, si rapidement que la même somme n’achètera peut-être dans soixante ans que les trois quarts ou la moitié des denrées et des marchandises qu’elle procure aujourd’hui. L’état n’a donc pas à s’occuper bien activement de la réduction des tarifs ; ils se réduiront d’eux-mêmes avec le temps, la