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LES CHEMINS DE FER.

faut-il pas oublier, quand on veut s’expliquer le mouvement considérable des marchandises sur les chemins de fer de l’Angleterre, que les tarifs des canaux anglais étant généralement très élevés, la concurrence devient possible, dans cette contrée, entre la voie de fer et la voie d’eau. En France, au contraire, le transport par les canaux jouit à quelques exceptions près, de tarifs très modérés, et voilà le pays dans lequel M. Stephenson suppose que la recette des marchandises pourra représenter 58 pour 100 du produit total ! La Belgique est dans des conditions plus semblables aux nôtres, et cependant la recette des marchandises ne s’est pas élevée, sur le chemin de fer belge en 1841, à plus de 32 pour 100[1]. Le seul chemin de fer qui transporte en France des marchandises autres que la houille, la ligne de Strasbourg à Bâle, ne paraît pas devoir compter, en 1843, le produit des marchandises pour plus du cinquième de son revenu brut.

Si l’on veut évaluer d’une manière plus exacte, les produits que peut rendre le chemin du Nord, on ne saurait prendre une meilleure base que le produit des chemins belges. L’exploitation du réseau belge a embrassé, en 1841, une étendue de 340 kilomètres en voie de fer, et a donné une recette brute de 6,226,333 fr. 66 cent. La ligne anglo-belge a 430 kilomètres d’étendue. En élevant la recette dans la proportion de la distance à exploiter, on trouve que le produit des chemins du Nord, s’il égalait proportionnellement celui des chemins belges, devrait être de 7,874,479 francs ; mais, comme la moyenne du tarif perçu n’est que de 4 c. 1/2 par voyageur et par kilomètre en Belgique, tandis qu’elle sera de 6 c. 1/2 sur les chemins du Nord, et comme la distance est à peu près semblable entre les voyageurs et les marchandises dans les deux tarifs, il convient d’augmenter la recette brute de 4 neuvièmes, et de la porter ainsi à 11,374,247 fr. Voilà, si l’on ne donne pas trop aux hypothèses, le résultat le plus vraisemblable qu’il soit permis d’espérer.

Examinons maintenant si M. Stephenson a mis plus d’exactitude dans le calcul des dépenses que dans celui des recettes. En évaluant les frais d’exploitation sur les chemins du Nord, l’ingénieur anglais a pris pour base 50 pour 100 de la recette. Ce mode d’évaluation est à coup sûr le plus vicieux qu’on pût choisir, car il suppose également constans deux termes, dont l’un, la recette, est éventuel, et dont l’autre, la dépense, est certain. M. Stephenson énumère dans son

  1. Ou 1,984,886 fr. 63 c. sur une recette de 6,226,333 fr. 66 c.