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que lorsqu’il se présentera une compagnie financière qui offrirait d’exploiter la section de Boulogne à Amiens…

« Or, la compagnie avec laquelle nous avons traité a écarté cette combinaison, dont la conséquence, pour elle, aurait été l’accroissement notable de son capital… »

Nous avons lu, avec l’attention la plus recueillie, toutes les brochures qui ont été publiées dans ce débat entre Boulogne et Calais, et nous restons convaincu que le gouvernement aurait pu avouer plus nettement les raisons qui l’ont déterminé. En effet, le tracé par Boulogne ne pouvait servir qu’aux communications de l’Angleterre avec Paris ; le système du tracé de Calais fait communiquer en outre nos villes de la Flandre entre elles et rend à la France le transit des voyageurs entre l’Angleterre et le Rhin. Il faut ajouter que l’embranchement d’Arras à Calais est généralement d’une exécution facile et peut devenir d’une exploitation féconde, à cause des intermédiaires qu’il dessert, tandis que l’embranchement d’Amiens à Boulogne, se développant à travers la vallée bourbeuse de la Somme et les dunes qui règnent depuis Abbeville jusqu’au-delà d’Étaples, doit encore percer les montagnes du Boulonnais. Cela fait, et après avoir établi un chemin coûteux, on ne rencontrerait que des populations clair-semées dont le transport couvrirait difficilement les frais d’exploitation.

Ce qui fait le désavantage de Boulogne, c’est qu’il est presque impossible de rattacher cette ville, par un court embranchement, à la ligne d’Arras à Calais. La nature du terrain, qui est fortement accidenté, résiste aux communications, en sorte qu’autant sa brillante population se trouve favorisée du côté de la mer, autant elle a peu d’accès vers l’intérieur. À l’égard de Boulogne comme à l’égard de Saint-Quentin et de Cambrai, le devoir du gouvernement consiste désormais à seconder toutes les tentatives de ces localités pour se rattacher aux chemins du Nord. Qu’il leur accorde des subventions dans ce but, et personne ne s’en plaindra ; mais si l’intérêt local, secondé par les vices de notre système électif, allait susciter des obstacles à un projet dont l’exécution est ajournée depuis long-temps, nous croyons que ce serait un malheur public.

Voilà, au surplus, une puissante raison de regretter que l’on ne s’écarte pas davantage des bases établies par la loi du 11 juin. Si l’état intervenait moins directement dans la construction des chemins de fer, et si l’industrie particulière y prenait une plus grande part, les questions de tracé n’auraient pas acquis la gravité qu’elles