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LE TERRITOIRE DE L’OREGON.

par Vancouver, dans le temps même que Robert Gray y entrait, au titre sinon antérieur, au moins égal à celui des États-Unis, de posséder le territoire de l’Oregon. »

Avant de réfuter par des dates précises ces assertions si nettes et pourtant dénuées de toute preuve, remarquons que dans cette note on voit le gouvernement anglais réclamer pour la première fois le privilége de la découverte de l’embouchure de la Columbia et l’attribuer à Vancouver au détriment de Robert Gray. Vancouver avait, il est vrai, précédé le capitaine Gray dans ces parages ; mais qui croire sur ce point, de Vancouver ou du cabinet anglais ? Vancouver déclare expressément dans le récit de ses voyages, publié par lui-même, qu’il avait passé, en se rendant au golfe de Nootka, devant l’embouchure de la Columbia sans l’apercevoir, et qu’il dut la connaissance de cette rivière et du havre dans laquelle elle se jette à un capitaine de navire américain, Robert Gray, de Boston. Ce premier point décidé, examinons maintenant ce que signifient les mêmes années et les années suivantes de cette note. Lewis et Clarke, avons-nous dit, arrivèrent le 15 novembre 1805 sur les bords de la mer Pacifique après avoir suivi le cours de la Columbia depuis sa source la plus occidentale jusqu’à son embouchure. Or, depuis l’expédition de Mackensie, ce fut dans les premiers mois de l’année 1806 qu’un agent de la compagnie du nord-ouest, M. Frazer, s’aventura pour la première fois au-delà des Montagnes Rocheuses. Il les traversa vers le 56e degré de latitude nord, et établit un comptoir deux degrés plus au sud, sur les bords d’un lac qui a pris son nom, situé au pied du versant occidental de ces montagnes. C’est là que s’arrêtèrent les plus lointaines explorations des Anglais jusqu’au milieu de l’année 1811, où M. Tompson, astronome de la compagnie, partit de ce poste pour devancer, sur les bords de la mer Pacifique, l’arrivée des agens de M. Astor, et leur établissement à l’embouchure de la Columbia.

On admire comment des assertions aussi légères, et dont il était si facile de prouver l’inexactitude, ont pu être avancées comme des faits irrécusables dans une pièce diplomatique. C’est ce que le cabinet anglais reconnut bientôt. Aussi, quand les négociations furent définitivement reprises en 1827, MM. Huskisson et Addington, chargés de défendre les intérêts de l’Angleterre, présentèrent au ministre américain, M. Galatin, un mémoire dans lequel, abandonnant tous les titres invoqués précédemment, ils fondaient la justice des prétentions de la Grande-Bretagne sur la convention du golfe de Nootka.