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déclaration d’hostilités qui pouvait mettre en feu toute l’Europe : l’Espagne était faible et sentait son infériorité ; l’Angleterre se préoccupait surtout du mouvement de la révolution française. Enfin, après bien des alternatives, une convention, qui laissait intactes les prétentions de la cour de Madrid, et favorisait légèrement les intérêts commerciaux et maritimes de l’Angleterre, fut proposée et signée à Londres le 28 octobre 1790. L’Espagne restituait tout ce qui avait été saisi aux Anglais, et leur accordait une indemnité, qui fut fixée ultérieurement à un million de francs. Les sujets respectifs des deux puissances contractantes, y était-il dit, ont un droit égal de naviguer, de faire le commerce et de pêcher dans tout l’océan Pacifique, d’aborder sur les côtes non occupées, et de s’y livrer à des échanges avec les naturels ; mais les Anglais ne pourront qu’élever des huttes, ou bâtimens temporaires, pour les besoins de la pêche ou du commerce.

Telle était la convention à l’abri de laquelle l’Angleterre voulait cacher la prise de possession du territoire de l’Oregon. Les États-Unis, ayant succédé aux droits de l’Espagne, étaient liés par les stipulations de ce traité, qui laissait ouvertes aux sujets britanniques, pour commercer et fonder des établissemens, les côtes non occupées, qui abrogeait tous les droits préexistans de l’Espagne, et laissait indécise la question de souveraineté.

À cela le plénipotentiaire américain répondait que cette convention n’était et ne pouvait être considérée que comme un simple traité de navigation et de commerce, qui ne préjudiciait en rien aux droits de l’Espagne à la possession du golfe de Nootka, et partant de toute la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord ; que dans aucun temps les Espagnols ni les Anglais ne l’avaient entendue autrement, qu’ils n’y avaient vu autre chose qu’une concession favorable aux intérêts maritimes et commerciaux de l’Angleterre qui ne portait aucune atteinte aux droits de l’Espagne. À l’appui de cette interprétation, il invoquait une pièce importante, dont les termes avaient été acceptés et sans doute approuvés par les Anglais eux-mêmes : c’était la lettre écrite par le comte Florida Blanca, le 12 mai 1791. « Vous donnerez des ordres, y était-il dit au commandant de l’escadre espagnole mouillée dans le golfe de Nootka, pour que l’officier de sa majesté britannique qui vous délivrera cette lettre (c’était Vancouver) soit immédiatement mis en possession des bâtimens et des parcelles de terres qui étaient occupés par les sujets anglais au mois d’avril 1789, aussi bien dans le port du golfe de Nootka que dans un