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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

soie tenue de rigueur aux îles Sandwich ; il s’avança avec calme et dignité vers le commandant, qui l’attendait avec tout son état-major au pied du mât d’artimon. M. Laplace prit le traité des mains du représentant du roi et crut devoir terminer cette négociation par quelques paroles sévères. La bonne harmonie étant ainsi rétablie, le gouverneur visita la frégate, passa l’inspection du matériel et du personnel sous les armes, et, à son départ, fut salué par treize coups de canon.

Le lendemain dimanche, le roi arriva de Mawi avec une escadrille de trois goëlettes, et se rendit à la résidence royale. Le jour même devaient avoir lieu la cérémonie et le spectacle que le commandant français avait promis à Honoloulou. À dix heures du matin, une compagnie de débarquement descendit sur le môle et s’y forma en colonne par sections pour marcher vers l’église. Exécutant d’avance l’une des clauses du traité, le roi avait mis à la disposition des prêtres une fort belle case, qui devait servir à la célébration du service divin. C’est de ce côté que l’équipage de la frégate se dirigea ; la foule était immense. Pour mettre un peu d’ordre au sein de cette multitude, le roi avait envoyé tous les soldats de sa garde, disposés en haie le long du chemin, et contenant les curieux à grands coups de fouet. Ces moyens de police suffisaient à peine pour maintenir le passage libre. On arriva ainsi dans le local qui allait servir de chapelle. Le roi avait eu soin de le faire garnir de belles nattes, et les résidens y avaient envoyé des chaises et des fauteuils. Une assemblée nombreuse remplissait l’enceinte ; des familles protestantes étaient accourues, attirées par la curiosité. Le service divin fut célébré par le jeune abbé Walsh, missionnaire d’origine irlandaise, mais appartenant à la maison de Picpus. La musique de la frégate exécuta pendant l’office divers morceaux religieux, et un grand Te Deum termina la cérémonie.

Les jours suivans furent employés à la conclusion d’un traité de commerce. On devine sans peine qu’il fut dicté par le commandant français : le gouvernement des Sandwich n’était plus en mesure de se défendre, même sur ce terrain. M. Laplace se contenta des conditions que le capitaine anglais Russel avait obtenues pour ses nationaux, et entre autres stipulations il imposa celle de l’admission, au droit de 5 pour 100, des esprits et des vins, jusque-là rigoureusement interdits par les missionnaires. Peut-être aurait-il fallu tenir cette taxe plus élevée, afin qu’un brusque changement de régime ne répandit pas trop rapidement dans ces îles l’usage des spiritueux, si funeste aux peuples enfans. Le roi ne fit d’ailleurs aucune objec-