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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

îles de la Société quelques-uns de ses prêtres, et qu’ils ont encore trouvé chez le missionnaire Pritchard la même intolérance et le même esprit de persécution. D’un autre côté, M. Moërenhout, devenu notre consul à Papeïti, est parvenu à réunir peu à peu autour du nom de la France un faisceau de sympathies et de témoignages de confiance. Depuis long-temps le gouvernement des missionnaires protestans était odieux à ces peuples ; la reine elle-même s’accommodait mal d’un fanatisme qui proscrit les plaisirs dont elle est avide. Il n’est donc pas surprenant qu’à la première occasion la souveraine et les chefs de l’île se soient jetés dans les bras d’une puissance européenne, pour se délivrer d’un régime frappé d’impopularité. Si l’empire échappe aujourd’hui aux missionnaires protestans, ce sont les femmes qui le leur enlèvent : le culte réformé est trop rigide pour leurs cœurs et trop sévère pour leurs faiblesses.

C’est ici que doit prendre place un ordre de faits plus récent qui complète ce récit. De retour en France, le capitaine du Petit-Thouars rendit compte de sa mission, et, dans l’intérêt de notre influence, la création d’un poste militaire fut résolue. Il était naturel de confier le soin de l’entreprise à celui qui en avait conçu l’idée. M. du Petit-Thouars, alors contre-amiral, quitta donc les côtes de France vers la fin de 1841, sur la frégate la Reine Blanche, se fit reconnaître à Valparaiso comme chef de la station navale dans l’océan Pacifique, et remit à la voile presque aussitôt en se dirigeant sur le groupe des Marquises. Le 28 avril, il aperçut l’île Christina, ou Tahou-Ata, où il devait retrouver le roi Yotété et la mission catholique fondée en 1838. Cette mission avait reçu de nouveaux apôtres, et, sous la direction de M. Francois de Paule, elle semblait prospérer. Quant au souverain du pays, il était alors livré à une inquiétude extrême. Cédant à une de ces inspirations de piraterie dont ces sauvages se défendent mal, il avait pillé des naufragés américains qui s’étaient réfugiés sur cette plage, et il tremblait que des représailles ne vinssent l’atteindre. M. du Petit-Thouars profita de cette disposition d’esprit ; il promit à Yotété l’appui de son artillerie s’il consentait à reconnaître la souveraineté de la France et à prendre notre pavillon. Sous l’empire d’une première alarme, Yotété consentit à tout, et le 1er mai l’occupation de son île eut lieu avec une certaine solennité. À la suite de cette cérémonie, l’état-major se rendit chez le roi, où l’acte de reconnaissance fut dressé et signé. Le jour même, et sans perdre de temps, on fixa, de concert avec Yotété, le lieu de la baie où l’établissement serait fondé : les ouvriers mirent