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de violettes placé dans un verre sur le bord d’une des fenêtres de la maison.

— Ah ! m’écriai-je, il y a là quelqu’un qui souffre !

Pour aimer les fleurs, il faut, sinon être jeune, du moins avoir conservé quelques souvenirs de jeunesse ; il faut n’être pas absorbé entièrement par la vie matérielle ; il faut avoir la douce faculté de ne rien faire sans être oisif, c’est-à-dire de rêver, de se souvenir, d’espérer. Dans la jouissance qu’apporte le parfum d’une fleur, il y a une certaine délicatesse d’ame. C’est un peu d’idéal, un peu de poésie qui se glisse au milieu des réalités de la vie. Quand, dans une existence pauvre et laborieuse, je vois aimer les fleurs, je pressens qu’il y a lutte entre les nécessités de la vie et les instincts de l’ame. — Il me semble que je sais parler, que je pourrais presque causer avec quiconque cultive une pauvre fleur près du mur de sa cabane. — Ce jour-là, ce bouquet de violettes m’attrista ; il disait : — Il y a là quelqu’un qui vit en regrettant l’air, le soleil, le bonheur ; — quelqu’un qui sent tout ce qui lui manque ; — quelqu’un de si pauvre en fait de jouissances, que je suis une joie dans sa vie, moi, pauvre bouquet de violettes !

Je regardai ces fleurs avec mélancolie ; je me demandai si l’obscurité et le froid de la petite rue n’allaient pas les faire bien vite se faner, si le vent ne pouvait pas les atteindre. — Je leur portais intérêt. — J’aurais voulu les conserver long-temps à celui qui les aimait.

Le lendemain, je revins. — Les fleurs avaient souffert de ce jour d’existence de plus. — Elles avaient vieilli, et leurs pétales décolorés se recourbaient sur eux-mêmes. — Cependant elles avaient encore un peu de parfum, et l’on avait pris soin d’elles. — En m’avançant, je vis que la fenêtre était entr’ouverte. Un rayon, je ne dirai pas de soleil, mais de jour, pénétrait dans la maison, et faisait une traînée lumineuse sur le plancher de la chambre ; mais à droite et à gauche l’obscurité n’était que plus profonde, et mes yeux ne purent rien distinguer.

Le lendemain encore, je passai ; — c’était presque un jour d’été : — tous les oiseaux chantaient, — tous les arbres se couvraient de bourgeons, — mille insectes bourdonnaient. Tout brillait au soleil. — Il y avait de la vie partout, — presque de la joie partout.

Une des fenêtres de la petite maison était toute grande ouverte. Je m’approchai, et je vis une femme assise, travaillant près de la fenêtre. — Le premier regard que je jetai sur elle ajouta à la tris-