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CALCUTTA.

nombre des habitans intra muros ; avec les villages adjacens, on aurait le chiffre extraordinaire de deux millions d’individus, réunis sur une étendue de vingt milles, c’est-à-dire moins de sept lieues. En 1717, cette ville monstrueuse était représentée par une forêt très sauvage, très solitaire, éclaircie aux bords du Gange par des mares, de petits lacs, au milieu desquels s’élevaient deux hameaux ; les cabanes, groupées sans ordre comme des tentes, suivant l’inégalité d’un sol marécageux, étaient habitées par des cultivateurs et des bateliers. Dans ces temps-là, Delhi attirait vers l’intérieur toutes les richesses, tous les produits de l’Inde soumise ; quand la capitale de ce vaste empire fut Londres, la population active et industrieuse dut descendre au-devant des nouveaux maîtres. Dès l’an 1517, des navires portugais avaient paru dans le Gange, car ce fut le Portugal qui se chargea, durant tout le XVIe siècle, de préparer les voies à l’Europe, de la faire connaître, respecter et craindre, depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu’à Diu, depuis Aden jusqu’à Malacca, glorieux antécédens dont l’Angleterre particulièrement semble avoir perdu le souvenir. Lorsque Mahmoud-Shah voulut secouer le joug, il appela à lui les Portugais, qui remontèrent une seconde fois le fleuve (1536) avec neuf vaisseaux ; mais ce secours arriva trop tard : le Bengale était redevenu une dépendance de Delhi.

En 1634, un firman de l’empereur Shah-Jehan permit aux Anglais de trafiquer, non pas sur le Gange, mais à Pipley, ville de l’Orissa comprise dans le vice-royaume du Bengale ; c’est dans cette cité aujourd’hui à moitié envahie par les eaux qu’ils établirent leur factorerie. Vingt-deux ans auparavant, en dépit des Portugais dont ils suivaient tous les erremens, les navigateurs de la Grande-Bretagne avaient à Surate un comptoir rival de celui de Lisbonne, et à Bander-Assi une factorerie inquiétante pour les marchands de Goa. Balassore, ville florissante jadis, située au fond d’une anse, non loin des bouches du Gange, tenta M. Day, qui venait de créer des établissemens à Madras et sentait le besoin d’ouvrir, par le moyen d’un grand fleuve, des relations plus directes avec l’intérieur du pays. Ceci se passait en 1642, et à la même époque les Anglais venaient à leur tour prendre une place à Hoogly, au milieu des Portugais, des Hollandais, des Français et des Danois, qui depuis plus d’un demi-siècle y formaient successivement des comptoirs. On connaît ce mot du nabab qui disait en mourant à son fils : « Regardez ces comptoirs des Européens comme autant de ruches d’abeilles dont vous recueil-