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de cette doctrine que se retrouve leur incontestable originalité. On en sera pleinement convaincu, pour peu que l’on examine le symbole qu’ils se sont efforcés de faire prévaloir sur les croyances et les traditions du catholicisme romain. Il y a un Dieu qui a tout créé par son Verbe, et par lequel tout est gouverné. Le Verbe est son fils, et ce fils est Jésus de Nazareth, fils de Marie, conçu du Saint-Esprit, qui doit être considéré comme l’inspiration de Dieu se produisant dans le monde visible. Jésus est un homme véritable, mais un homme supérieur à tous les autres, promis par les patriarches, annoncé par les prophètes. Cette expression de fils de Dieu ou de Dieu, appliquée à Jésus, n’a point dans les livres saints l’acception que lui donne l’église romaine. On lit dans l’Évangile selon saint Jean que les Juifs, menaçant de lapider Jésus parce qu’étant homme il se faisait Dieu, Jésus leur répondit : « N’est-il pas écrit dans votre loi : J’ai dit que vous êtes des dieux ? Si donc elle appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu était adressée, et que l’Écriture ne puisse être détruite, pourquoi prétendez-vous que je blasphème, moi que mon père a sanctifié et envoyé dans le monde, parce que j’ai dit que je suis fils de Dieu. » Juge des vivans et des morts, Jésus de Nazareth reviendra vers les hommes à la consommation des siècles. Mort et ressuscité pour les hommes, il justifiera devant Dieu ceux qui auront suivi sa loi. La trinité, la consubstantialité du Verbe, ne sont point des dogmes révélés, mais tout simplement des opinions empruntées aux philosophies de la Grèce et de l’Orient. Dans aucun endroit de l’Écriture ne se retrouvent ces inintelligibles doctrines : on ne peut produire aucun passage qui les autorise, et auquel il ne soit aisé d’attribuer, sans fausser le moins du monde le texte, un sens plus clair, plus naturel, plus conforme aux notions communes, aux vérités primitives et immuables. Ne doit-on pas plutôt s’en tenir au témoignage des évangélistes et des apôtres qui n’ont jamais parlé de la trinité catholique ? « La vérité, s’écrie Jésus dans le discours sur la montagne, consiste à reconnaître que tu es le seul vrai Dieu et que le Christ est ton envoyé. » Il ne faut pas croire que les plus rigoureux trinitaires se fassent une idée nette de la façon dont les trois personnes existent en Dieu, sans diviser sa substance et sans la multiplier. Saint Augustin, après avoir épuisé toutes les ressources de la logique, a été contraint d’avouer que ce dogme est inexplicable. C’est le philosophe Justin qui le premier a proclamé la divinité de Jésus ; Origène, et, avant le concile de Nicée, la plupart des docteurs ont reconnu l’inégalité des personnes. Les livres des pères foisonnent à ce sujet de contradictions et d’inconséquences. Sommes-nous sûrs, d’ailleurs, que ces livres nous soient parvenus dans l’état où ils les ont composés ? N’est-il pas certain, au contraire, qu’ils sont pour la plupart mutilés, altérés, falsifiés ?

La véritable église de Jésus-Christ est entièrement déchue depuis que les pontifes de Rome se sont arrogé la suprême puissance spirituelle ; cette église peut se reconstruire par les écrits des apôtres. L’église apostolique n’a point de chef visible ; n’ayant d’autre loi que le texte même de l’Écriture, tous les chrétiens sont égaux, comme l’étaient les disciples de Jésus. « Ne vous