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LES SOCIN ET LE SOCINIANISME.

contre le fatalisme de toutes les époques et en particulier contre le fatalisme de Luther et de Calvin ; question immense qui, du reste, se retrouve discutée aux pages les plus remarquables de ses autres livres, entassés sans ordre par son petit-fils André Wissowats, dans les deux premiers volumes de la Bibliothèque des Frères polonais. André Wissowats eût mieux mérité de lui, sans aucun doute, si, dégageant sa doctrine des mille incidens qui l’obscurcissent ou l’étouffent, il l’avait pieusement recueillie dans chacun de ses ouvrages, dans ses thèses en réponse à Davidis et dans la précieuse correspondance que jusqu’à ses derniers instans il entretint avec ses disciples et avec ses amis. Peut-être eût-il rendu à la secte le grand livre disparu à Cracovie, durant l’émeute suscitée contre les sociniens par les chefs du luthéranisme, et dont la perte arracha des larmes si amères au vieux Faustus.

De tout temps, les sociniens se sont préoccupés du soin d’élever un monument qui renfermât leur doctrine religieuse ; bien avant l’arrivée de Faustus en Pologne, Grégoire Pauli, un des plus ardens anti-trinitaires de Racovie, avait rédigé un catéchisme où cette doctrine était imparfaitement exposée. En 1603, quelques mois avant la mort de Faustus, la réunion des églises sociniennes se trouvant enfin consommée, les églises chargèrent leur chef de réformer le catéchisme de Pauli. Faustus s’adjoignit Pierre Stoinski, jeune castellan fort considéré dans sa secte pour son érudition et son éloquence ; l’un et l’autre laissèrent le livre à peine ébauché. Un ministre de Lublin, l’Allemand Valentin Smalcius, le termina de concert avec Jérôme Moscorow, de la famille des anciens ducs de Silésie. Moscorow en fit la dédicace, laquelle, à vrai dire, n’était qu’une sorte de défi, au roi théologien Jacques Ier d’Angleterre, qui, pour toute réponse, fit brûler le manifeste unitaire de la main du bourreau. Le Catéchisme de Racovie ne tarda point à être remanié, augmenté. Jonas de Slichting, le brillant apologiste du socinianisme en Hollande, y ajouta de nombreux articles. Autant en firent André Wissowats et Jean Crellius, ce polémiste infatigable, si renommé au commencement du xviie siècle par ses querelles avec Grotius, et que Bossuet lui-même a combattu. Ce n’est pas tout ; quelque temps après Crellius, deux Prussiens, Martin Ruar et Joachim Stegmann, se mirent encore en devoir d’annoter et d’expliquer le symbole socinien. Pour dissiper les nuages que des modifications si nombreuses et si considérables avaient amoncelés sur les principes de Faustus, Conrad Vorstius, l’intrépide adversaire du roi Jacques, publia un petit traité où ces principes sont formulés par demandes et par réponses. Le traité de Vorstius a deux titres également connus dans la secte : on l’appelle

    le dogme de la trinité. Paléologue, au point de vue politique, déduisait des principes sociniens toutes les conséquences qu’ils renferment. Sa nouvelle doctrine souleva un tel scandale, que la cour de Pologne le livra au pape Grégoire XIII, qui avait lui-même sollicité son extradition. L’inquisition de Rome le fit brûler vif le 22 mars 1585. Faustus Socin fut le premier à s’indigner des exagérations de Jacques Paléologue, et c’est précisément pour réhabiliter ses principes qu’il publia contre Jacques un livre où, par occasion, il réfute ses adversaires de tous les partis.