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tantôt Précis (summa) de la doctrine des Sarmates, et tantôt Abrégé (compendiolum) de la doctrine des sociniens. On ne doit point le confondre avec un autre abrégé qui se répandit en Europe au commencement du xviiie siècle, et dans lequel un Allemand, Daniel Hortanaccius, profondément oublié aujourd’hui, réduisait à deux cent vingt-neuf articles l’enseignement tout entier de Faustus.

Le Catéchisme de Racovie fait connaître aussi nettement que possible le système religieux de Faustus Socin. Il s’en faut de beaucoup, nous devons le dire, qu’il donne une idée convenable de la manière éminemment philosophique dont il l’a exposé ou défendu ; voilà pourquoi précisément il est à regretter que l’éditeur de la Bibliothèque des Frères polonais, André Wissowats, n’en ait point, en rassemblant avec ordre les matériaux épars dans les innombrables travaux de Faustus, formé un livre complet. En vingt endroits de ses ouvrages, le célèbre hérésiarque semble avoir indiqué les principales divisions de ce livre. Socin a minutieusement interrogé sur leurs moindres croyances, sur les moindres monumens de leurs religions, toutes les nations, tous les âges et en particulier les hommes qui, par la puissance de leur génie ou la force de leur volonté, sont parvenus à imposer leur doctrine à leurs semblables, Moïse, Mahomet, Confucius, Zoroastre ; on peut affirmer qu’à l’exception des systèmes contenus dans les livres de l’extrême Orient, les Védas, le Zend-Avesta, etc., si peu connus au xvie siècle, Socin a soumis au creuset de son infatigable critique non-seulement les dogmes qui embrassent l’existence de Dieu, sa nature et ses attributs, mais les systèmes qui, de près ou de loin, ont pour objet l’ame humaine sous les rapports divers de son origine, de ses facultés, de ses passions, de ses besoins, de ses espérances, de sa destination sur la terre et dans le monde futur. On va se récrier peut-être sur l’immensité de ce plan. Socin n’a pas compté, hâtons-nous de le dire, toutes les vagues de l’océan d’opinions dont ce triste globe a été inondé. Il laisse en paix les sophistes qu’ont engendrés les hésitations de Socrate, ceux qui se sont épuisés à pénétrer le sens propre et réel des allégories de Platon, ceux dont la raison s’est brisée aux angles des formules péripatéticiennes. Il n’exhume point les erreurs chétives qui ont peu inquiété la marche du catholicisme. Faustus ne s’occupe, comme il convient au chef et au principal docteur d’une si grande école religieuse, que des sectaires qui, entamant les dogmes du christianisme, ont compris autrement que l’église les attributs de l’être suprême et les obligations de l’humanité.

Ces obligations, aucun hérésiarque, aucun moraliste, aucun philosophe ne les a plus rigoureusement définies que Faustus, dont le point de départ est dans les textes même de l’Écriture, qui prescrivent à l’homme de chercher le plus possible à se rapprocher de la perfection. De ce précepte, Faustus fait immédiatement dériver le principe de notre liberté. À ceux qui affirment que l’homme est, par sa nature, voué à la corruption et à l’anathème, il faut, dit Socin, demander s’il doit vivre sans pécher. Ils répondront sans doute qu’il le doit ; mais, s’il le doit, c’est qu’il le peut : s’il ne le pouvait point, il ne