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LE MOIS DE MAI À LONDRES.

se servent de ce moyen puissant pour vulgariser leurs doctrines, et on sait à quels résultats considérables elles arrivent quelquefois.

Chaque jour, pendant toute la durée du mois de mai, c’était un meeting nouveau de quelqu’une de ces sociétés. La grande salle d’Exeter-Hall, près du Strand, ou la salle du commerce nouvellement élevée dans la Cité, sont le siége ordinaire de ces réunions curieuses. On y a vu successivement la société des missionnaires wesleyens, la société des missionnaires anglicans, la fameuse société biblique, la société de tempérance, et une foule d’autres. Là aussi les plus hauts personnages du pays sont appelés à la présidence, et bien peu d’entre eux déclinent cet honneur. Parmi les présidens ont figuré, cette année, lord Chichester, l’évêque de Londres, lord Morpeth, lord John Russell, l’évêque de Winchester, lord Cholmondeley, lord Ashley, lord Carnavon, l’évêque de Norwich, l’évêque de Salisbury, etc. Les journaux contiennent le lendemain un compte-rendu détaillé de ces assemblées, et les discours qui s’y tiennent, les rapports qui y sont lus, retentissent quelquefois dans toute l’Europe. C’est dans un meeting de ce genre que se sont élevées les réclamations passionnées du protestantisme anglais contre l’occupation des îles Marquises par les Français et l’introduction de missionnaires catholiques dans les îles de la Société ; c’est dans un autre qu’on a pu apprendre avec étonnement quels efforts inouis fait la société biblique pour répandre la Bible dans le monde, et quel nombre immense d’exemplaires du saint livre inonde par elle les deux continens.

Au premier rang de ces associations actives, marche sans comparaison l’association pour la liberté de commerce, qui porte le nom de ligue contre les lois sur les céréales (anti-corn law league). Celle-là a tenu à elle seule presque autant de meetings que toutes les autres ensemble ; elle en a un à peu près tous les jours. L’orateur habituel de ces réunions est M. Cobden, membre du parlement, qui ne manque pas d’une certaine éloquence populaire. Les journaux annoncent ordinairement la veille l’heure de l’ouverture du meeting ; de tous côtés, des affiches placardées dans la ville invitent le peuple à y assister. À l’heure dite, le président s’assied au fauteuil, la foule remplit la salle, l’orateur prononce un discours, le peuple applaudit et s’en va ; le lendemain, on recommence. C’est ainsi que se sont accomplies les plus grandes révolutions dans l’état politique de l’Angleterre. On n’obtient rien dans ce pays que par la patience ; une prédication continue, incessante, est le seul moyen de répandre dans le public les idées nouvelles ; les journaux n’y suffiraient pas. Les Anglais sont