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libertin des plus dépravés. Que dire d’un ouvrage imprimé en 1840 et répandu à profusion par toute la France, dans lequel on traite gravement et sérieusement la question des incubes et des succubes ? Que penser d’un théologien qui, par des attamen et des distinctions subtiles, s’efforce d’excuser ou d’atténuer les péchés les plus honteux ? L’avortement, action si horrible, est réduit à de telles proportions, que, si la morale de M. Rousselot était adoptée, il se commettrait des milliers de ces crimes tous les jours. Que diraient les mères de famille, si on leur faisait savoir que certains confesseurs apprendront à leurs filles qu’elles sont absolument maîtresses de leur corps, et que personne n’a le droit de les empêcher d’en disposer comme bon leur semble ? Voilà pourtant les maximes qu’inculque le professeur de Grenoble, qui s’arrête à discuter si c’est un péché que de porter perruque, et qui croit qu’une femme allant au bal masqué commet une faute presque aussi grave que si elle violait la foi conjugale

Comme je veux éviter le scandale, je n’entrerai point dans des détails qui seraient révoltans. Je me bornerai à déclarer que c’est là le plus mauvais livre que j’aie jamais lu, et que, si de telles maximes pouvaient être adoptées et pratiquées généralement chez nous, le peuple français, si souvent calomnié dans les feuilles ultra-catholiques, deviendrait la nation la plus corrompue du monde. Il est impossible de ne pas reconnaître à cet enseignement une compagnie qui, il y a déjà deux siècles, avait confondu toutes les notions du bien et du mal. En voyant reparaître les principes de Sanchez, de Molina, d’Escobar, on peut dire hardiment : Voilà les jésuites !

Aujourd’hui ces maximes sont encore plus dangereuses qu’elles ne l’étaient il y a deux siècles ; car, si alors elles trouvaient un correctif dans cette partie du clergé qui combattait les jésuites, actuellement, loin de repousser de tels livres, on déclare qu’ils sont adoptés partout. M. l’évêque de Chartres en prendra la défense, et l’abbé Rousselot, au lieu de se cacher, comme il aurait dû le faire, se pose fièrement dans les journaux, et parle (hypothétiquement il est vrai) de donner des soufflets aux rédacteurs du journal des Débats. C’est toujours la même morale et la même charité.

Si quelque chose pouvait faire mieux comprendre la nécessité impérieuse de placer par une loi tous les établissemens d’instruction sous la surveillance de l’Université, c’est l’effet produit par les extraits insérés dans les journaux de ces deux ouvrages adoptés dans