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limite des séditions, et par un déficit considérable dans le revenu. Bien loin, certes, de se trouver dans une situation aussi difficile, aussi tendue, aussi exposée, les grandes nations productrices du monde, la France et l’Allemagne, en première ligne, voient au contraire leur industrie et leur commerce s’accroître par un progrès continu et sûr ; elles ont donc sur l’Angleterre, à l’égard de ces vastes mesures, réformes radicales de tarifs ou traités de commerce, l’immense avantage de pouvoir temporiser sans péril, probablement même avec profit. L’Angleterre traverse une phase critique : son gouvernement vient de tenter une expérience qui n’est elle-même qu’une transition forcée vers un état de choses très voisin d’une entière liberté commerciale ; le plus simple bon sens n’indique-t-il pas qu’il y a tout à gagner à attendre et à accélérer, même par cette attitude expectante, le développement de faits qui doivent tourner à l’avantage de toutes les nations commerçantes, et dont d’irrésistibles tendances rendent infaillible l’accomplissement prochain[1] ?

Nous ne sommes pas les adversaires systématiques de tout traité de commerce avec l’Angleterre, et nous entrevoyons même dans l’avenir telle circonstance à la faveur de laquelle une convention de cette nature pourrait s’accomplir avec profit ; mais aujourd’hui il ne faut pas avoir fait une étude bien profonde des nécessités de la situation économique et politique du royaume-uni pour pouvoir apprécier l’étendue du service qu’on lui rendrait en lui accordant le traité qu’il nous demande. Il importerait surtout de bien songer,

  1. Nous croyons devoir citer ici les lignes qui servent, pour ainsi dire, de péroraison à l’article de M. Gladstone auquel nous avons fait souvent allusion déjà. Elles sont trop énergiquement significatives, et la position de celui qui les a écrites leur donne trop d’autorité pour ne pas mériter une attention sérieuse.

    « Ce n’est plus seulement un intérêt de science théorique, c’est un intérêt d’utilité pratique et immédiate, je dirai mieux : c’est une nécessité de fer qui veut que nous abordions avec plus de liberté la concurrence universelle sur tous les marchés du monde, et par conséquent que nous tournions tous nos efforts à diminuer les frais de notre production, en affranchissant des exactions fiscales les matériaux de notre industrie, et en allégeant, avec de justes égards pour les intérêts existans et les droits acquis sous la protection des lois établies, toutes les charges particulières qui, pesant sur le commerce, font, aux dépens de la communauté tout entière, les affaires de certaines classes. Si nous voulons prospérer, si nous voulons vivre, nous devons nous mettre en état, de manière ou d’autre, de lutter avec une main-d’œuvre moins chère, avec des taxes moins lourdes, avec des sols plus fertiles, avec des mines plus riches que les nôtres, et pour cela il faut, aussitôt que possible, que, chez nous, la main-d’œuvre et les matériaux qu’elle emploie soient libres. » Foreign and Colonial quarterly Review, p. 267.)