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BOUCHER.

I.

Dans l’histoire de la peinture en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, on voit deux écoles ou plutôt deux familles de peintres se produire presque en même temps et régner tour à tour : l’une grande et forte, qui puise sa vie dans les saintes inspirations de Dieu et de la nature, qui embellit encore la beauté humaine par le souvenir du ciel et la lumière de l’idéal ; l’autre gracieuse et coquette, qui n’attend pas l’inspiration, qui se contente d’être jolie, de sourire, de charmer même aux dépens de la vérité et de la grandeur. Ce qu’elle cherche, ce n’est pas la beauté pure et naïve où rayonne le divin sentiment : elle ne veut que séduire. La première famille représente l’art dans toute sa splendeur, la seconde n’est que le mensonge de l’art. Au XVIIe siècle, le Poussin et Mignard sont les chefs de ces deux familles ; l’un a la beauté de la force et de la naïveté, l’autre celle de la grace et de l’esprit. Ce contraste si éclatant se reproduit au XVIIIe siècle, en s’affaiblissant, par les Vanloo et Boucher. Les Vanloo, soit qu’ils n’aient pas attendu l’heure de l’inspiration, soit qu’ils n’aient pu s’élever assez haut pour saisir la souveraine beauté, sont partis avec la noble ardeur du Poussin et n’ont abouti qu’à la grandeur théâtrale ; ils sont restés à mi-chemin, mais au moins ils ont toujours gardé un souvenir du point de départ. Quand le talent a fait défaut, le but a sauvé