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de les perdre ? Si leur cause, partout ailleurs, avait une chance d’être écoutée, je me figure difficilement qu’un seul d’entre eux nous choisît pour avocats.

Les conséquences déduites[1] de l’abolition de la religion d’état sont de celles qui devaient provoquer la plus vive contradiction. Vous rendez, nous dit-on, le législateur absurde pour nous le rendre contraire. On sent que toute la question est ici.

Des développemens[2]dans lesquels entre à ce sujet M. l’archevêque, il résulte que, n’accordant aucune vie religieuse aux institutions civiles et politiques, il appartient à l’opinion de ceux qui déclarent la loi athée. D’après cette idée, les institutions ne reposant que sur elles-mêmes, c’est, en effet, rendre le législateur absurde, que de chercher dans les lois aucun rapport nécessaire avec les croyances.

Pour nous, au contraire, nous maintenons l’impossibilité de concevoir un corps d’institution, un code, une législation, sans supposer une base religieuse. L’esprit qui supporte l’ensemble des institutions françaises est l’esprit du christianisme qu’elles tendent à réaliser. En formant de toutes les églises éparses une seule cité, l’état est, selon nous[3], plus conforme à l’idée de l’église universelle que ceux qui songent à séparer dans un esprit de sectaire, et on l’avouera, en passant, il est au moins surprenant, dans ce débat, que ce soit nous qui affirmions que nul établissement civil ne peut vivre hors de Dieu, et que ce soit M. l’archevêque qui soutienne le contraire. Appliquons ces principes à l’objet principal de la controverse, au problème de l’éducation ; ils ressortiront avec une évidence manifeste. À quoi, en effet, aboutit dans la pratique le système qu’on nous oppose ? On va le voir. Si l’état est athée, il en résulte son impuissance totale à donner une règle de conduite, ni à établir un principe quelconque d’éducation ; d’où la nécessité de former autant d’enseignemens, d’écoles, d’éducations séparées qu’il y a de confessions en France. C’est en effet la conséquence à laquelle on s’arrête. Des écoles catholiques, des écoles luthériennes, des écoles calvinistes, des écoles philosophiques, sans nul lien entre elles, voilà, aux yeux de M. l’archevêque, l’idéal de la constitution publique de l’éducation[4]. Chacun goûterait à l’écart une doctrine séparée, sans nulle crainte d’un contact mutuel. On formerait à côté les uns des autres autant de peuples isolés qui, étant élevés dans la haine réciproque les uns des autres,

  1. Des Jésuites, p. 126.
  2. Observations, p. 41, 48, 80.
  3. Des Jésuites, p. 129.
  4. Observations, p. 54.