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exalter, dans des cœurs encore neufs, les mauvais penchans, les vils instincts, rien ne me semblerait assez rigoureux pour châtier une pareille indignité, car il ne s’agit plus ici seulement d’une dissidence sur un dogme : il s’agit de la morale universelle, et plus votre assertion est grave, plus elle a besoin d’être démontrée. Avant de vous lire, je me disais : Si des hommes aveugles provoquent contre nous la haine publique, il est impossible que le chef du troupeau mêle sa voix à la leur. Sa dignité, sa modération connue, son désir de conciliation, sa politique, tout s’y oppose. Même sous l’erreur involontaire, il est impossible qu’il ne reconnaisse pas la sincérité, le goût de la vérité, la vie morale, l’ame qui soutient nos paroles. Et au contraire, par un mot, vous tentez de tout flétrir, sans discernement aucun du vrai et du faux, sans considérer que de votre part une assertion équivaut, pour un grand nombre, à une vérité établie. Vous ne jugez pas nécessaire d’appuyer une accusation, si énorme qu’elle soit, sur aucun fait, aucune preuve, aucune induction même éloignée, que nous puissions au moins discuter. Faire le procès au jésuitisme, cela suffit, selon vous, pour offenser à la fois la conscience humaine et la morale universelle. Jusqu’à ce jour, c’est précisément le contraire qui était tenu pour certain.

Non, monseigneur, vous ne pouvez penser que de vils sentimens nous aient fait parler. Nos paroles ont été rendues publiques ; c’est là-dessus qu’on jugera si ce sont les bons ou les mauvais penchans que nous divinisons. Il y aurait, je le sais bien, un moyen efficace pour détruire par la base tout le corps enseignant de France. Pour cela, on n’aurait besoin d’aucune loi nouvelle ; il suffirait de le réduire à cet état d’inertie où toute injure pourrait lui être adressée sans qu’il relevât jamais la tête. Persuadez le pays qu’il est un corps contre lequel il est loisible de tout oser sans jamais essuyer d’aucun individu aucune contradiction sérieuse, et ce corps-là tombera dès demain sous le dédain public. Qui voudrait en faire partie un seul jour, si la première condition était de livrer silencieusement son honneur, pour peu que l’adversaire fût audacieux et que l’attaque tombât de haut ? Dans l’habitude de tout décider sans contrôle, voyez combien il est difficile d’être juste. Notre principale impiété, à vos yeux, sera toujours de ne pas nous être laissé écraser sans discussion.

Assez de personnes nous disaient : « Pourquoi séparez-vous le clergé du jésuitisme ? soyez certains qu’ils s’entendent. » Malgré cela, nous persistions à les discerner l’un de l’autre. Aujourd’hui même, en dépit de l’autorité qui les confond, nous hésitons encore