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sive qui est un des plus beaux produits de notre centralisation. En revanche, la police urbaine de l’autre côté du détroit a une supériorité décidée, et nous gagnerions à l’imiter. Il vaut donc la peine d’expliquer cette organisation, qui est, à mon sens, le chef-d’œuvre administratif de sir Robert Peel.

L’effet utile de la force publique dépend non-seulement de l’organisation qu’on lui donne, mais de la direction qu’elle reçoit. S’il fallait en juger par le nombre des hommes que l’autorité tient sur pied, Paris devrait être la ville la mieux gardée dans le monde entier. Sans compter 12 à 15,000 hommes de garnison, et un million de gardes nationaux de service appuyés sur une réserve de 60,000, le préfet de police a sous ses ordres « une garde municipale de plus de 2,500 fantassins et 400 cavaliers, un corps de sapeurs-pompiers de 830 hommes, des bureaux où travaillent tout le jour et souvent la nuit près de 300 employés, un service extérieur de commissaires, d’inspecteurs, de sergens de ville, d’agens de tous ordres, qui comprend plus de 2,000 personnes[1]. » Ce personnel, tout nombreux qu’il est, ne fait pas régner à Paris une sécurité plus grande que celle dont on jouit dans les autres capitales de l’Europe ; il ne nous met pas à l’abri des émeutes, et les efforts de la surveillance quotidienne ne paraissent pas tenir en échec, autant qu’il le faudrait, l’audace des malfaiteurs. À Londres, la garnison se compose de trois ou quatre régimens de la garde, qui ne servent qu’à parader devant les casernes et les palais royaux. La force de la police municipale, en y comprenant celle de la Cité, est d’environ 5,000 constables, sergens et inspecteurs. Ce corps maintient l’ordre au sein de la nombreuse population et dans l’immense étendue que renferme la métropole. Bien loin d’être insuffisant, il fournit des détachemens que l’on envoie, par les chemins de fer, au premier bruit d’une émeute, à Birmingham, à Manchester, dans le pays de Galles, sur tous les points menacés. À Liverpool, malgré tant d’élémens de désordre, et bien que la police ait à contenir, sans l’assistance d’une garnison, la foule remuante des Irlandais ainsi que 7 à 8,000 matelots, elle ne compte pas plus de 600 hommes dans ses rangs.

Je sais ce que l’on peut dire sur la différence des populations, et je ne conteste pas qu’avec les habitudes militaires du peuple français la force publique doive affecter des proportions plus imposantes que

  1. Voir dans la Revue des Deux Mondes, no du 1er décembre 1842, un article très remarquable de M. Vivien, ancien préfet de police et ancien garde-des-sceaux.