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sent des secours dont ils ont cent fois abusé. Les vagabonds irlandais tranchent sur les autres, et ont le privilége d’égayer l’auditoire par la vivacité de leur pantomime ainsi que par la naïveté de leurs réponses ; peuple enfant que ses conquérans ont mis sous la rude tutelle de la misère et de l’oppression. Les seules personnes d’une apparence un peu décente qui figurent devant le tribunal sont les gentlemen que l’on a trouvés ivres dans les rues, et qui en sont quittes pour payer l’amende en refusant de faire connaître leur nom, et les entrepreneurs de cabarets ou de salons qui ont la prétention, en fermant les yeux sur les désordres commis dans leurs établissemens, de préserver intact leur caractère personnel (respectability).

Dans cette besogne, qui a ses difficultés comme ses dégoûts, l’autorité du magistrat est ce qui étonne le plus. Il doit ce respect du public non moins à sa qualité de jurisconsulte éminent qu’à l’équité habituelle de ses décisions. M. Jardine à Bow-Street (tribunal de Londres), M. Rushton à Liverpool, et M. Maulde à Manchester, sont des juges que tout le monde s’honorerait d’avoir pour collègues, et qui figureraient avec distinction sur le banc de la reine, à Westminster. Toutes les misères qui appellent l’attention des magistrats ne sont pas de nature à provoquer des sentences rigoureuses ; ils ont souvent aussi à faire acte d’humanité. À Glasgow, la police est chargée en hiver de quêter pour les ouvriers nécessiteux. À Liverpool, elle intervient pour obtenir le passage gratuit sur quelque navire en faveur des malheureux qui désirent rentrer dans la paroisse où ils sont nés. À Londres, elle reçoit les dons volontaires du riche et les distribue aux familles sans ressource, dont la charité légale n’a pas prévu ou n’a pas soulagé le dénuement.

Liverpool est peut-être la ville où le tribunal de simple police est le plus surchargé d’affaires graves ; c’est pourtant celle où les acquittemens ont lieu dans la plus forte proportion. L’encombrement des prisons gêne la liberté du juge ; celui-ci condamne le moins qu’il peut, ne sachant où placer les détenus. La maison d’arrêt (lock-up) en contient cinquante à soixante, et la geôle en renferme près de huit cents. Cette prison, construite sur les plans d’Howard, a eu beau s’étendre et resserrer l’espace accordé à chaque détenu : le crime a marché d’un tel pas, que la fréquence même lui assure aujourd’hui une sorte d’impunité.

Cet accroissement dans le nombre des délits à Liverpool peut s’expliquer, indépendamment des raisons générales, par la même cause qui a produit l’augmentation de la mortalité, je veux dire par la den-