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REVUE DES DEUX MONDES.



Cette heure emplit d’amour ma corne d’abondance.
Les mondes diligens qui marchent en cadence,
Du néant sortent à mon nom.
Le reste est un sommeil où tout se décolore,
Faux rayons jaunissans, vains songes que j’implore
Sur une couche de limon.


Le temps fuit ; hâtez-vous, ô sonores fantômes !
Hymnes, prenez un corps et peuplez les royaumes
De la visible immensité.
Avant que dans sa nuit le gouffre me réclame,
monde, éveille-toi ! nourris-toi de mon ame,
Enivre-toi de ma beauté !


Pendant qu’elle chantait, des golfes de l’Hellade
Jusqu’à l’île fumante où gémit Encelade,
Un long frissonnement parcourut les forêts.
L’hymne ailé s’insinue aux plis les plus secrets
Des choses et des monts que nul dieu ne visite.
Le flot rit en dansant ; il bondit, il palpite.
De colline en colline, enflant ses mouvemens,
La terre suit le rhythme aux longs balancemens.
La vie, en mille essaims, bourdonne ; avec l’abeille
Partout, dans l’herbe tiède, un dieu dormant s’éveille.
D’abord sortent des bois de chênes chevelus,
L’un l’autre s’appelant, les Centaures barbus.
Croupes, flancs de chevaux, visages de prophètes,
Qu’ébaucha le chaos dans le sein des tempêtes.
Au frein de l’hymne d’or assouplissant leurs pas,
Vers la chanteuse errante ils étendent leurs bras.
Ils plongent sous les flots pour saisir sa ceinture ;