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rés et il est difficile de penser que la paix puisse être promptement rétablie entre les deux partis. Si M. Olozaga était mis en accusation, la lutte n’en deviendrait que plus acharnée et plus violente. Les progressistes se regarderaient comme poursuivis dans la personne de l’ex-ministre ; il y aurait guerre à mort, et nul ne peut dire quelles en seraient les conséquences.

On concevait à la rigueur qu’une jeune princesse pût exercer sans inconvénient les hautes prérogatives de la royauté, lorsque son gouvernement reposait sur un vaste système de coalition, lorsque la lutte des partis se trouvait suspendue, et que le pouvoir n’était plus au milieu de l’arène comme une proie qui excite au combat. Mais aujourd’hui les partis sont de nouveau aux prises ; les chambres seront des foyers d’agitation, la cour un foyer d’intrigues. Ajoutez que les forces des partis rivaux sont trop balancées pour que l’un se résigne au rôle de vaincu, et que l’autre puisse effectivement prendre possession du pays. Si la coalition ne se reforme pas, si la perspective des maux dont l’Espagne est de nouveau menacée n’arrête pas les partis sur le bord du précipice, la reine peut se trouver tous les jours au milieu des situations politiques les plus graves et les plus compliquées, obligée à chaque instant de prendre des résolutions qui exigeraient toute la sagacité, toute l’expérience, toute la fermeté d’un homme d’état consommé. Ministres, hommes influens des deux chambres, généraux, diplomates, courtisans, dames de la cour, tout nous semble déjà s’agiter autour du trône, et on ne sait que trop ce que la royauté peut courir de dangers dans cette mêlée de conseils, d’avis, d’insinuations, d’alarmes, de vaines terreurs, de mensonges, d’absurdités de toute espèce.

Redisons-le : la reine Isabelle ne peut rester ainsi sans appui et sans conseil. La monarchie et la dynastie s’en trouveraient également compromises. Les factions subversives sont toujours aux aguets. Ici elles attendent avec impatience les jours de deuil, là les erreurs de l’inexpérience et de la jeunesse. Que les Espagnols s’empressent de rendre vaines ces coupables espérances ; qu’Isabelle trouve un appui moral dans un prince digne du trône, dans un prince qui, sans prendre part au gouvernement du pays, garantira la reine des piéges où son inexpérience pourrait l’entraîner. Le choix est renfermé dans des limites assez étroites, par cela seul que l’Espagne est hautement intéressée à ne pas accepter un prince qui ne pourrait en quelque sorte se présenter que comme le chef d’un parti, un prince qui, au lieu de clore la révolution, ne ferait que la recommencer pour son compte, qui, au lieu d’apporter à la reine conseil et appui, ne ferait que l’entourer d’embarras et de périls. C’est ainsi que les Espagnols ne peuvent songer ni à un fils de don Carlos ni à un Cobourg. L’un serait la contre-révolution incarnée, l’autre serait, à tort ou à raison, regardé comme le représentant d’Espartero. Les Espagnols peuvent perpétuer leur dynastie sans placer sur le trône l’homme de la contre-révolution. Il ne manque pas de descendans de Philippe V à Naples, à Lucques, à Madrid. C’est à l’Espagne qu’il appartient de choisir.