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passionnés. M. Michelet se fait illusion à lui-même. Dans les six leçons qu’il a publiées, ce n’est pas l’histoire, c’est la polémique qui est présente, polémique dont le retentissement et l’âpreté placent désormais M. Michelet dans les rangs des plus ardens adversaires du catholicisme.

Ce n’est pas M. Quinet qui se défendra d’avoir fait de la polémique dans ses remarquables leçons. On s’aperçoit, en les lisant, que les attaques qui ont si fort surpris M. Michelet, et l’ont troublé outre mesure, n’ont pas trop déplu à l’auteur d’Ahasvérus. Il a compris sur-le-champ le parti qu’on en pouvait tirer pour traiter avec applaudissement des questions que les passions ecclésiastiques remettaient à l’ordre du jour. Dans les six leçons épisodiques qu’il a rédigées à l’occasion des jésuites, M. Quinet a mêlé des considérations souvent ingénieuses à des faits habilement choisis. Après avoir établi le droit de discussion en matière religieuse, il entre dans son sujet par une vive peinture des commencemens de la société de Jésus. Ce morceau est plein d’éclat. « Dans la mêlée du XVIe siècle, dit M. Quinet, une légion sort de la poussière des chemins. Ce début est grand, puissant, saisissant ; le sceau du génie est là… » Après ce jugement impartial, M. Quinet prend l’offensive contre la compagnie de Jésus ; il triomphe de la rapidité de sa décadence, il cherche à caractériser les Exercices spirituels de Loyola et les Constitutions de l’ordre ; il s’attache à prouver que les jésuites sont les pharisiens du christianisme ; il les montre dans leurs missions défigurant l’Évangile pour le faire accepter, travaillant à soumettre les peuples et les gouvernemens à l’unité de la puissance ecclésiastique, et, pour arriver à ce but, s’emparant partout de l’éducation de la jeunesse. Tout cela est rigoureusement déduit, écrit parfois avec éloquence.

C’est l’Évangile à la main que M. Quinet attaque les jésuites. Il oppose leurs doctrines à l’esprit de la liberté chrétienne, et il demande ce qu’il y a de commun entre le Christ et Loyola. Notre auteur a pensé, non sans raison, qu’il aurait beaucoup de force en parlant au nom d’un spiritualisme s’inspirant de l’Évangile. Toutefois cette situation, si elle a ses avantages, a aussi ses inconvéniens. En effet, les catholiques répondront à M. Quinet : Vous parlez en protestant. Les mêmes raisons par lesquelles vous condamnez les jésuites peuvent s’appliquer à la religion catholique elle-même, à ses développemens, à sa constitution, à la papauté.

De tout système vraiment profond et vaste peuvent sortir des formes diverses et des organisations différentes. Il n’y a pas de meil-