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SITUATION DE L’ESPAGNE.

institutions ; mais ce bruit répandu par les agens anglais s’est toujours trouvé faux. N’a-t-on pas essayé de répandre aussi que c’était l’or de Louis-Philippe qui avait soudoyé la dernière révolution ? Heureusement l’opinion publique était éclairée par toutes les mystifications antérieures, et cette accusation des journaux anglais est restée cette fois sans écho.

La France n’a pas à changer de politique pour s’entendre avec l’Angleterre sur la question espagnole. Il eût été facile à la France, si elle eût voulu s’y prêter, de se créer un fort parti ; elle ne l’a pas fait. Il n’y a pas de parti français en Espagne ; qu’il n’y ait pas de parti anglais, et tout sera fini. L’Angleterre doit bien voir qu’elle ne peut pas enlever de vive force son traité de commerce ; elle ne peut l’attendre désormais que de l’assentiment raisonné de l’Espagne libre et livrée à elle-même. Qui sait ? Quand l’Angleterre s’acharnera moins à imposer ce traité, elle l’obtiendra peut-être plus aisément ; elle trouvera peut-être un jour dans la France autant d’appui pour l’obtenir qu’elle y a trouvé jusqu’ici d’opposition. Le tout est de s’entendre. Les intérêts bien compris de l’Espagne et de la France pourraient bien n’être pas inconciliables dans cette question avec ceux de l’Angleterre : ce que la guerre n’a pas fait, la paix peut le faire ; mais il faut que cette paix soit sérieuse, durable, conclue de bonne foi ; il faut que la guerre ne recommence pas au premier dissentiment.

Quoi qu’il en soit, les élections se sont accomplies en Espagne sous l’empire de ces idées nouvelles de modération, de conciliation, d’indépendance nationale. Elles ont donné un résultat inattendu pour quiconque n’aurait pas suivi de près le mouvement des idées dans ce pays, et ce qui importe peut-être plus encore que le résultat, c’est le caractère imposant de vérité, de tranquillité, d’unanimité, qu’elles ont eu. Ni les menées des conspirateurs, ni le bruit de la guerre civile en Catalogne, ni le souvenir des déceptions que tant d’expériences successives ont amenées, n’ont pu détourner les Espagnols de leur devoir électoral. Bien plus, tout s’est passé avec une conscience et une régularité inconnues jusqu’ici. Quand le rapprochement des anciens partis n’aurait eu d’autre résultat que de donner aux élections ce caractère, ce serait déjà beaucoup.

On sait comment se font les élections en Espagne, sous l’empire de la constitution de 1837. Le pays est divisé en quarante-neuf provinces qui nomment chacune en moyenne de cinq à six députés. Chaque électeur écrit sur son bulletin autant de noms que sa province nomme de députés. Le dépouillement est fait dans chaque dis-