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SITUATION DE L’ESPAGNE.

rétablir la guerre civile en la plaçant sur le trône. Cette combinaison nous semble la plus funeste qui puisse être proposée, et nous ne doutons pas qu’elle ne soit repoussée unanimement par les cortès. Quant à un fils du roi des Français, ce serait sans doute une excellente conquête pour l’Espagne à cause du mérite personnel qui distingue nos princes, mais ce serait aussi une source féconde de complications européennes ; l’Espagne détruirait par là la bonne harmonie naissante de la France et de l’Angleterre, et adresserait une sorte de défi aux puissances du Nord.

À quoi bon provoquer de nos jours une coalition semblable à celle qui soutint la guerre formidable de la succession ? L’Espagne n’en a pas besoin pour s’assurer l’amitié de la France ; la France, à son tour, n’en a pas besoin pour s’assurer l’alliance de l’Espagne. Les rapports entre les peuples obéissent de nos jours à d’autres règles, les unions entre les familles royales n’ont plus la même influence qu’autrefois. Nous ne croyons pas d’ailleurs que la sagesse éprouvée du roi des Français consentît aisément à ce mariage. La France n’y a rien à gagner, et elle pourrait beaucoup y perdre. L’épée de M. le duc d’Aumale peut être utile un jour pour défendre la couronne de son neveu et l’indépendance nationale ; il est bon qu’il la garde au service de son pays. Un magnifique avenir s’ouvre pour lui en Afrique, et peut suffire à sa jeune ambition ; il y a là tout un empire à créer par la France et pour la France. La vice-royauté d’Alger a presque le même éclat qu’une royauté, et elle n’a pas les mêmes dangers ; elle ne soulèvera pas autant les cabinets européens, et elle ajoutera plus réellement à la puissance de la France.

L’Espagne a d’ailleurs des candidats plus naturels à la main de sa reine. Isabelle II peut se marier sans sortir de sa famille ; elle a deux oncles, frères du roi de Naples et de la reine Christine, elle a deux cousins, fils de l’infant don François et de la princesse Charlotte, elle peut choisir parmi ces quatre princes, qui sont tous d’un âge en rapport avec le sien. Nous savons quelles objections on peut opposer à un choix fait dans la maison de Naples, qui n’a pas encore reconnu la reine Isabelle ; nous savons aussi quel tort immense on a fait aux fils de l’infant don François, en mêlant leurs noms aux misérables intrigues qui viennent de soulever une partie de l’Espagne : mais ce sont là des difficultés qui peuvent s’aplanir. Il est probable que la question se résoudra par un mariage avec un prince napolitain ou avec un infant espagnol, car nous ne pouvons croire que les Espagnols pensent sérieusement à un Cobourg. Un Cobourg brouillerait l’Espagne