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avec la France, et la livrerait encore une fois à l’Angleterre. Les Espagnols ne voudront pas faire de l’Espagne un second Portugal.

Dans tous les cas, nous verrions avec peine les cortès s’arrêter trop long-temps à cette question. La difficulté n’est pas là, quoi qu’on en dise ; elle est dans la fondation d’un gouvernement. Or, ce sont les nations, beaucoup plus que les personnes royales, qui fondent les gouvernemens. La France de juillet doit beaucoup à son roi ; elle ne lui doit pas tout. La France s’est faite elle-même ; que l’Espagne prenne son parti de l’imiter. Quatre grands intérêts sont en première ligne parmi ceux dont les cortès doivent s’occuper, la réorganisation administrative du pays, sa constitution financière, le rétablissement de l’église et le commencement d’un grand système de travaux publics. Quelque peu que les cortès fassent pour la satisfaction de ces nécessités politiques, ils auront plus fait pour la consolidation du trône qu’en se livrant à d’interminables pourparlers pour le choix d’un roi.

Du vivant de Ferdinand VII, l’organisation administrative était fort grossière, fort incomplète, mais enfin il y en avait une. Les ayuntamientos ou conseils municipaux, semi-héréditaires, semi-électifs, étaient sous la surveillance de l’audience ou cour royale, qui tenait des séances administratives en dehors de ses séances judiciaires. Ces jours-là, l’audience était présidée par le capitaine-général, qui réunissait en sa personne l’autorité politique et la puissance militaire. Au faîte de la hiérarchie siégeait une sorte de conseil d’état, sous le nom de conseil de Castille, de qui relevaient toutes les audiences et tous les ayuntamientos du royaume, et qui exerçait dans leur plénitude les droits de la souveraineté. On voit que, dans cette organisation imparfaite, les pouvoirs n’avaient pas été séparés et définis. Le pouvoir administratif était confondu, dans les municipalités, avec le droit de propriété de certaines familles ; dans les cours royales, avec le pouvoir judiciaire ; chez les capitaines-généraux, avec le pouvoir militaire ; dans le conseil de Castille, avec tous les autres pouvoirs. Cependant, si le principe de l’autorité n’avait pas été suffisamment dégagé, l’autorité elle-même ne manquait pas. Un lien étroit rattachait au trône l’élément municipal, naturellement si rebelle, et le centre commandait aux extrémités.

Dès les premières années du règne d’Isabelle, on s’empressa de changer cet ordre tel quel légué par l’ancienne monarchie. Le conseil de Castille fut supprimé comme conseil suprême administratif, et remplacé par un ministère del fomento ou du progrès, dont les