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SITUATION DE L’ESPAGNE.

n’aura qu’une existence précaire et misérable ; il risquera d’être changé tous les matins, comme il l’a été jusqu’ici.

Après la réorganisation administrative et politique vient la réorganisation financière, autre intérêt non moins puissant, non moins vital, et qui ne peut être non plus satisfait qu’avec beaucoup de résolution et de persévérance.

Le désordre des finances, en Espagne, ne date pas d’hier. Voilà des siècles que le budget de la monarchie se solde tous les ans en déficit. L’or de l’Amérique a long-temps contribué à rétablir l’équilibre, et, depuis que cette ressource a manqué, le gouffre de l’emprunt s’est ouvert. L’Espagne se trouve aujourd’hui dans l’heureuse impuissance d’aller plus loin dans cette voie. Elle a tant emprunté, sans payer ni capital ni intérêts, qu’elle a fini par ruiner complètement son crédit. Le système des expédiens est épuisé pour elle ; elle est forcée par la nécessité de finir par où elle aurait dû commencer, c’est-à-dire de chercher à mettre la balance entre les recettes et les dépenses publiques. Une grande gloire est réservée à l’homme d’état qui parviendra à résoudre ce problème.

Cette tâche n’est pourtant pas aussi difficile qu’elle le paraît au premier abord. Les impôts s’acquittent, en Espagne, plus qu’on ne le croit généralement, et tout permet de supposer que leur produit actuel serait à peu près suffisant pour couvrir les dépenses. La question n’est donc pas d’établir l’impôt et de le faire payer, mais d’assurer son recouvrement par le trésor public. Tout ce qu’acquittent les contribuables n’arrive pas dans les caisses de l’état ; bien loin de là. Les habitudes de déprédation sont si générales et si invétérées, que les percepteurs des revenus publics commencent presque partout par s’en attribuer la plus grande part. Le gouvernement a toujours mieux aimé avoir recours au moyen facile et désastreux des emprunts que de porter un examen sévère sur les détails innombrables de la perception. De là la persistance du déficit et la démoralisation générale des employés.

Dès qu’il y aura un gouvernement en Espagne, il devra s’occuper de porter remède à ce mal si ancien et si profond. La France, le pays le mieux organisé de l’Europe, peut lui fournir les plus parfaits modèles sous ce rapport. Ce ne sont pas d’ailleurs les formes de la comptabilité qui manquent en Espagne, elles y sont au contraire très nombreuses et très compliquées ; ce qui fait défaut, c’est l’habitude de l’ordre, la réalité de la surveillance, la tradition de l’exactitude. Pour introduire dans l’administration espagnole cette sévé-