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s’est fort accrue depuis trente ans, les douanes ne rapportent au trésor public que quinze millions par an, à peine la moitié de ce que produit chez nous la seule douane de Marseille ? Quand la Grande-Bretagne, qui ne compte guère plus d’habitans, retire annuellement de ses douanes l’énorme somme de six cents millions de francs, c’est à la quarantième partie de ce chiffre que l’Espagne en est réduite ! Rien ne prouve plus qu’un pareil fait combien de ressources offrira la Péninsule à quiconque portera sur ses affaires économiques un coup d’œil intelligent.

Le commerce d’importation qui est maintenant en France de plus d’un milliard, et qui dépasse depuis long-temps en Angleterre un milliard et demi, n’atteint en Espagne, officiellement du moins, que cent cinquante millions de francs environ. Si la puissance industrielle d’une nation se mesurait au peu qu’elle retire de l’étranger, l’Espagne serait la première nation industrielle du monde, car il n’en est pas qui, proportionnellement à sa population, reçoive moins de marchandises étrangères. Les partisans du système prohibitif peuvent admirer à leur aise dans ce pays-là les magnifiques conséquences qu’il peut produire. L’Espagne est le pays natal du système prohibitif ; il y brille depuis des siècles de tout son éclat, et il est parvenu à étouffer toute l’activité industrielle, agricole et commerciale sur l’un des territoires les mieux doués par la nature pour l’industrie, l’agriculture et le commerce.

Quand l’Espagne réformera ses douanes, elle n’y gagnera pas seulement sous le rapport fiscal. Le travail national, comme on dit à présent, gagnera encore cent pour cent à être délivré de la prétendue protection qui l’écrase. Mais on peut procéder graduellement dans cette réforme, et la commencer sans alarmer les intérêts qui se croient lésés par un remaniement total. Avec ses absurdes tarifs, l’Espagne n’empêche pas les produits étrangers d’entrer chez elle ; seulement, elle les force à entrer par contrebande et à payer aux entrepreneurs du commerce interlope la prime qu’ils devraient payer au fisc. Que les droits soient abaissés de manière à être un peu au-dessous ou seulement au niveau de la prime de contrebande, et le trésor bénéficiera immédiatement d’un revenu qui lui échappe aujourd’hui, sans rien changer en réalité aux conditions commerciales existantes. Ce revenu doublera, triplera ensuite, si l’on veut aller plus loin et rendre l’Espagne plus accessible au commerce, au grand profit de la population entière comme des finances nationales.

L’Espagne a besoin de revenir de loin sous le rapport des intérêts