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REVUE. — CHRONIQUE.

commerce et à l’industrie de l’Europe. Si le génie fiscal, et, ce qui est mille fois plus absurde et plus malfaisant, le système prohibitif, ne viennent pas rendre illusoires les succès de la politique, il peut y avoir là comme la découverte d’un nouveau monde pour l’Europe. Ajoutez que les Chinois ne sont pas des sauvages. Ils sont déjà des producteurs, aidés dans leurs travaux par un climat qui les met à même de produire ce que l’Europe ne produit pas ; mais aussi il importe de ne pas oublier que les travailleurs ne manquent pas à la Chine, et que, si la race mongole rencontre plus vite que la race caucasienne les bornes de sa puissance d’invention, elle est en revanche douée d’un rare talent d’imitation, d’une patience et d’une persévérance à toute épreuve. En lui inspirant le goût des choses européennes sans lui offrir les moyens de se les procurer par l’échange de ses propres denrées, on ne ferait qu’encourager en Chine l’imitation de nos produits. Nous aimons à croire que la légation française ne tardera pas à mettre à la voile.

Les nouvelles d’Afrique sont depuis long-temps rassurantes. D’un côté, Abd-el-Kader est hors d’état, en ce moment du moins, de rien entreprendre de grave contre notre domination dans le pays ; de l’autre, l’œuvre de la colonisation, sans avoir atteint le point auquel on aurait pu la conduire, a cependant fait quelques pas, et laisse concevoir aujourd’hui d’assez brillantes espérances. On entre enfin avec quelque résolution dans le système dont nous n’avons cessé de demander l’application. Il n’y a pas de mezzo termine en Algérie : ou abandonner un territoire dont on ne saurait que faire, ou le coloniser. Le système d’une guerre qui absorbe des sommes énormes et retient sur le rivage africain une partie si importante de notre armée, ne peut être que temporaire, passager. Le prolonger indéfiniment serait une folie. Une vaste et forte colonisation peut seule nous permettre de limiter nos sacrifices annuels sans compromettre la dignité de la France et la sûreté de nos possessions.

À l’intérieur, rien de nouveau, tout est calme ; le calme vient souvent de la santé ; souvent aussi il y conduit : comme cause ou comme effet, il faut donc toujours s’en féliciter. Le calme ne nuit qu’aux journaux. C’est une rude besogne que d’avoir à émouvoir un public qui n’est plus émouvable :

Et la rame inutile
Fatigue vainement une mer immobile.

Dans ces momens de tranquillité stagnante, il n’y a de ressource pour la curiosité publique que dans les petites querelles qui ne manquent jamais de s’élever entre les partis ou entre les hommes. Lorsque rien ne préoccupe vivement la pensée publique, on dirait qu’il y a des hommes empressés à saisir ce moment de trêve pour se montrer, espérant que le public alors aura le temps de s’occuper d’eux, faute de mieux. Pendant le spectacle, ils se taisent et ils font bien ; l’entr’acte venu, ils vont se poser au foyer, et ils y