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REVUE. — CHRONIQUE.

fait bénir publiquement son nouveau palais par l’archevêque grec, il l’avait fait bénir secrètement une seconde fois par son chapelain catholique pour le purger de sa première bénédiction. De pareilles choses étaient lues avec avidité en Grèce, et le peuple y ajoutait foi. C’était encore le parti russe qui s’élevait le plus violemment contre les folles dépenses de la cour, qui n’y prêtaient que trop, du reste, et contre la dilapidation des finances. Il rappelait alors la manière dont M. Capo-d’Istrias avait refusé le traitement de 180,000 f. qui lui était offert, et citait une réponse célèbre qu’on avait mise dans sa bouche à cette occasion. Tout enfin s’accorde à prouver que la Russie, et par des moyens détournés, et par des moyens directs, a fait tous ses efforts pour provoquer la révolution du 3 septembre.

Maintenant, cette révolution a-t-elle tourné à son avantage ? nous ne le croyons pas.

Le but du parti russe était une révolution dynastique et non pas une simple révolution constitutionnelle. Déjà quelque temps avant que le mouvement éclatât, les correspondances de la Grèce disaient que le peuple ne voulait plus accepter une constitution, et qu’il était déterminé à se débarrasser de la dynastie bavaroise. C’est ce qui explique le bruit qui courut tout d’abord que le roi Othon avait été forcé de s’embarquer avec sa suite d’Allemands, et de dire adieu à son royaume.

Ces prévisions furent déjouées. Le parti russe ou nappiste, comme on l’appelle en Grèce, avait compté que le peuple, selon une expression bien connue, traverserait la liberté ; mais le peuple a eu le bon esprit de s’arrêter. Il avait peut-être aussi compté que le roi refuserait obstinément toute concession, mais le roi a eu le bon sens de céder. Double désappointement. La politique des nappistes avait été de développer en même temps chez le peuple un sentiment exalté de la liberté, et chez le roi une idée aveugle de sa propre prérogative, afin d’amener tôt ou tard une collision. Ils ont cru le moment favorable, et pendant qu’ils travaillaient activement les esprits en Grèce, le cabinet de Saint-Pétersbourg, de son côté, a pris tout à coup l’initiative des mesures les plus rigoureuses envers le gouvernement du roi Othon. Les cours de France et d’Angleterre se sont associées, un peu légèrement peut-être, à ce redoublement de sévérité. Déclarer le gouvernement grec en état de banqueroute n’était pas un moyen de lui concilier le respect de son peuple. Le protocole de la conférence de Londres fut rendu public à Athènes cinq jours avant la révolution, et il est indubitable qu’il contribua beaucoup à la précipiter.

Nous ne reviendrons pas ici sur les évènemens déjà connus du 3 septembre. On sait que le roi Othon n’a cédé qu’à la dernière extrémité, et en versant des larmes de colère ; mais on dit qu’avec un caractère faible, il a le cœur droit et honnête, et qu’ayant donné sa parole, il la tiendra. C’est la seule chance qui lui reste de conserver son trône, car toute tentative de réaction lui serait très probablement fatale. Déjà il tient par bien peu de racines au sol de la Grèce. Le bruit qui avait été répandu de la grossesse de la reine s’est