Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
335
LE CARDINAL DE RICHELIEU.

quis d’Ancre, ne pouvait s’unir aux princes mécontens que pour sa propre fortune, en se faisant une large place dans ce gouvernement pris d’assaut. Les idées de l’aventurier italien, les dédains prodigués à son origine, le séparaient de cette coalition princière, aux yeux de laquelle il ne pouvait être qu’un vil instrument. Son attachement pour la reine, unique point d’appui de sa fortune, le rendait l’ennemi naturel de la faction qui aspirait à profiter de la faiblesse de la régente pour reprendre en sous-œuvre l’édifice de la seconde race en substituant l’hérédité des gouvernemens à celle des grands fiefs. Concini appartenait à la monarchie absolue au commencement du XVIIe siècle, comme il aurait probablement appartenu à la démocratie à la fin du XVIIIe. Il était voué, pour ainsi dire, en dépit de lui-même, à cette cause de l’unité du pouvoir, dont il fut l’agent et le martyr, et représentait, à dix ans d’intervalle, la même pensée politique que Richelieu. L’un essaya sans succès comme sans gloire ce que l’autre devait accomplir avec tant d’éclat.

Le maréchal d’Ancre n’eut pas plus tôt réussi, par son association avec le duc de Bouillon et la maison de Condé, à établir sa prépondérance dans le conseil, qu’il se vit exposé en première ligne aux attaques de ses puissans alliés. Aussi s’attacha-t-il à les diviser, opposant habilement les princes de Lorraine aux princes du sang, montrant en perspective un grand gouvernement à l’un, un riche établissement à l’autre, sachant lui-même se dépouiller au besoin pour se ménager des appuis, offrant, par exemple, au prince de Condé de lui livrer Péronne, au centre de son marquisat d’Ancre, en compensation du Château-Trompette, que la reine refusait obstinément de céder au premier prince du sang. Ce refus du Château-Trompette fut un des grands évènemens de cette époque d’égoïsme et d’intrigues. Marie ne se faisait aucune illusion sur le sort qui la menaçait. En recueillant les tristes confidences du roi son époux, elle lui avait souvent entendu dire que si, durant sa lutte avec Henri III, il avait été maître du bon château de Bordeaux, il se fût fait proclamer duc de Guyenne : aussi lui répugnait-il beaucoup de donner un tel pied au chef de la faction à quelques marches des frontières d’Espagne, dans un temps où ceux de la religion réformée exerçaient une sorte de souveraineté indépendante en Languedoc, et disaient insolemment aux officiers de la Couronne : Le roi est à Paris et nous à Nîmes.

De grandes sommes adroitement offertes et avidement acceptées calmèrent pour quelques mois l’irritation que ce refus causait à des