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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

Pressée par des exigences chaque jour croissantes, la régente n’entrevit de ressource, pour maintenir son autorité compromise, que dans une étroite union avec l’Espagne, qui mettrait à sa disposition les forces de cette grande monarchie. L’alliance espagnole avait eu des partisans chaleureux dans le conseil de Henri IV : Villeroy et le chancelier Sillery y inclinèrent constamment. Mais Henri, qui avait l’instinct du rôle politique réservé à la France dans un prochain avenir, et Rosny, que ses antipathies religieuses ne séparaient pas moins du cabinet de San-Lorenzo que de la cour de Rome, avaient constamment décliné les ouvertures du roi catholique. L’idée fixe du Béarnais était de donner l’une de ses filles au prince de Galles, futur héritier d’Angleterre et d’Écosse, l’autre au prince de Piémont pour s’assurer une entrée en Italie, afin d’y combattre l’Espagne, et de marier le dauphin à l’héritière de Lorraine pour préparer la réunion de cette province à la France. On sait que la mort le surprit à la veille de son expédition de Clèves, qui n’était qu’une autre application de la même pensée politique.

De tels projets ne convenaient plus à la faiblesse d’une régence chaque jour menacée, et Marie de Médicis ne sut point aspirer à autre chose qu’à abriter son trône sous celui de l’héritier de Charles-Quint. Elle conclut donc brusquement, et sans consulter les princes,


    chaque page de la manière la plus incontestable et quelquefois la plus naïve. De la respectueuse affection que Richelieu témoigne, dans les six premiers livres, à la reine Marie, sa bienfaitrice, il nous semble impossible de ne pas conclure que ceux-ci furent composés avant sa rupture avec cette princesse : quelques parties nous feraient croire qu’ils ont été écrits durant l’exil de l’évêque de Luçon à Avignon, après la mort du maréchal d’Ancre. L’ouvrage se termine quatre ans avant la mort du cardinal par le compte-rendu de l’année 1638.

    Le manuscrit des Mémoires devint, à la mort du cardinal, la propriété de la duchesse d’Aiguillon, sa nièce. M. de Torcy en obtint la concession lorsque, par ordre de Louis XIV, il fonda, en 1705, le dépôt des affaires étrangères dans le donjon du vieux Louvre. M. de Foncemagne, qui édita le premier, en 1764, le Testament politique, dont l’authenticité a été combattue par Voltaire avec tant de légèreté, paraît avoir été autorisé à en prendre lecture. La même faculté fut concédée quelques années plus tard à M. de Fontette, continuateur du père Lelong. M. Tabaraud a également cité le manuscrit des affaires étrangères dans son Histoire du cardinal Bérulle, publiée en 1817. Mais ce fut en 1822 seulement que, sous le ministère de M. le duc Matthieu de Montmorency, la publication intégrale en fut enfin autorisée. Du reste, lorsque l’homme se révèle aussi complètement dans son œuvre, on essaierait en vain d’en méconnaître l’origine. Le Testament et plusieurs livres des Mémoires appartiennent à Richelieu par l’excellente raison qu’il est impossible qu’ils soient d’un autre.