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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

roi, la prise en considération des réclamations faites par les seigneurs coalisés ; il demandait que l’on suspendît l’accomplissement du mariage, et réclamait des explications catégoriques sur le serment du sacre. Les hommes vraiment pieux de la réforme, Duplessis-Mornay en tête déploraient sans la comprendre cette tendance nouvelle, qui l’emporta dans les conseils des protestans, parce que les vues d’intérêt s’étaient substituées à l’ardeur des premiers temps. Désormais les réformés constituaient un parti plutôt qu’une secte, et menaçaient l’unité du royaume autant que l’unité de l’église. Il y avait alors à la suite de la reine-mère un jeune prélat qui le comprit et ne l’oublia jamais.

Le duc de Rohan, qui jusqu’alors n’était entré qu’avec une certaine réserve dans les factions de la cour, y porta cette fois toutes les ressources d’un esprit entreprenant et ferme, non moins dévoué à ses convictions religieuses qu’au soin de sa propre grandeur. Le maréchal d’Ancre, établi en Picardie, couvrit Paris avec une armée ; le maréchal de Bois-Dauphin tint la campagne contre les partisans des princes, maîtres du plus grand nombre des meilleures places du royaume. La guerre s’engagea donc sur tous les points, guerre mesquine dans ses mouvemens comme dans ses motifs, et qui, lorsque nous en suivons jour par jour les opérations dans les Mémoires de Bassompierre, ne laisse pas même pressentir les vastes combinaisons stratégiques destinées, quelques années après, à changer la face de l’Europe. Le duc de Guise, rallié à la cour par l’espérance d’obtenir le bâton de connétable, protégeait, à la tête de dix mille hommes, le royal convoi. Celui-ci s’avançait à pas lents vers la capitale de la Guyenne, contraint de s’arrêter souvent pour faire face à l’ennemi. Des dangers plus sérieux encore menacèrent la jeune princesse que la France envoyait à l’Espagne. Élisabeth dut mettre dix mortelles journées à faire le trajet de Bordeaux à Bayonne, toujours entourée par la cavalerie du duc de Rohan, et contrainte de camper chaque soir pour éviter une surprise.

Ce fut sous ces auspices que l’année 1615 vit enfin se conclure la double alliance dont les suites devaient décevoir si promptement les prévisions sur lesquelles elle avait été fondée. Renforcer le pouvoir de la couronne contre les grands et contre les réformés, telle était la pensée de la reine Marie ; établir la prépondérance espagnole sur les conseils du roi très chrétien, rompre l’alliance de la France avec l’Angleterre, son alliance plus dangereuse encore avec les Provinces-Unies, obtenir son concours pour tout ce qu’il plairait à l’Espagne de