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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

l’Espagne et pour le maintien de l’administration aux mains de la régente ; on le vit également s’élever avec force contre toutes les réclamations inspirées aux parlementaires par la faction des princes mécontens. Ayant obtenu, d’autres disent ayant brigué l’honneur de porter la parole au nom de son ordre, il loua dans le style emphatique de son temps la gloire de la régente, exalta l’autorité royale au-dessus de tous les pouvoirs humains, et représenta la religion comme la base des trônes et leur plus solide fondement. Ce discours ne fût point sorti des banalités consacrées par ce genre d’allocution, si « le bon prélat n’avait, selon l’expression d’un de ses antagonistes, découvert le sentiment de son cœur dans l’endroit de sa pièce qui n’était pas le moins étudié[1]. » Se plaignant amèrement de l’usage qui tendait à s’introduire d’éloigner les ecclésiastiques des conseils du roi et des emplois publics, on l’entendit s’écrier : « Votre majesté doit nous donner plus de part aux affaires. Quand les rois ses prédécesseurs ont employé les prélats de leur royaume, l’église gallicane a été plus puissante qu’aucune autre, et, depuis qu’on a négligé de suivre cette louable et salutaire coutume, le clergé français a tellement perdu son éclat, qu’il n’est plus connaissable. Bien loin de consulter les prélats éclairés sur les affaires de l’état, on s’imagine maintenant que l’honneur que nous avons d’être consacrés au service de Dieu nous rend incapables de servir notre roi, qui en est l’image vivante. »

Le dévouement sans bornes de Richelieu ne tarda pas à lui valoir une récompense. Quelques mois après la clôture des états, la reine-mère le fit nommer grand-aumônier de la reine régnante Anne d’Autriche, et, comme il avait besoin d’argent pour payer quelques dettes de sa maison, le maréchal d’Ancre lui obtint permission de vendre cette charge, ce qui le mit en état de vivre à la cour avec un commencement de splendeur. L’Italien avait deviné la pénétration et la vigueur d’esprit de ce jeune ecclésiastique que le soin de sa fortune ne détournait pas de la gravité extérieure de sa profession, et qui, au plus fort de sa jeunesse, ménageait sa faveur comme le courtisan le plus consommé. « Je gagnai le cœur du maréchal, dit Richelieu lui-même, et il fit quelque estime de moi dès la première fois qu’il m’aboucha. Il dit à quelques-uns de ses familiers qu’il avait un jeune homme en main capable de faire la leçon à tutti barboni. Mais sa bienveillance diminua, premièrement parce qu’il me trouva

  1. Levassor, liv. VI, tom. II.