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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

fendre en même temps à la cour contre des soupçons qu’une correspondance obséquieuse ne parvenait pas toujours à conjurer, Richelieu préludait par un rude apprentissage aux embarras du pouvoir, et ne laissait assurément rien pressentir de la hauteur de caractère qu’il devait apporter bientôt dans l’exercice du gouvernement. Assez bien traité par de Luynes et par le jeune monarque, l’évêque de Luçon était de la part des membres du conseil, et en particulier du garde-des-sceaux Du Vair, l’objet de vives antipathies et d’une méfiance prononcée. Inquiets de sa présence près de la reine et de l’activité de ses démarches, ils obtinrent du roi l’ordre de son éloignement. Après de vaines protestations de fidélité adressées à Louis XIII et à son favori, Richelieu dut partir pour son évêché, puis après pour Avignon. Ce procédé violent acheva de lui conquérir la confiance absolue de la princesse, qui ne vit dans cet exil qu’une persécution de plus dirigée contre elle.

Rendu malgré lui pour deux années à une vie pastorale et solitaire, Richelieu composa divers écrits, indépendamment de ses mémoires, dont le commencement nous paraît remonter à cette époque. Les principaux sont : l’Instruction du Chrétien et la Réponse adressée au roi par les quatre ministres de Charenton. Aucune qualité éminente ne se révèle dans ces écrits, dont le dernier, dirigé contre une lettre supprimée par arrêt du conseil, fut plutôt un acte politique qu’une œuvre religieuse. La médiocrité de ces travaux, qui doivent au seul nom de leur auteur le privilége d’être feuilletés quelquefois sous la poussière qui les recouvre, n’empêche pas Richelieu d’en parler avec une complaisance et une vanité d’homme de lettres qui sont l’un des traits les plus persistans de son caractère, soit qu’il se produise comme théologien ou comme poète, qu’il argumente contre Calvin ou contre Corneille.

Cet exil d’Avignon, dont la perspective est si cruelle pour Richelieu, fut pourtant l’origine de sa haute et rapide fortune. La reine avait franchi les murailles du château de Blois, en s’appuyant sur une échelle de cordes, durant les ténèbres d’une nuit d’hiver. Le duc d’Épernon, brouillé avec la cour pour une querelle de préséance, l’avait reçue dans son gouvernement à la tête d’une armée. Faisant appel à tous les mécontens, c’est-à-dire à tous les ambitieux, la veuve de Henri IV menaçait de recommencer contre son fils une guerre civile à peine éteinte. Rien n’était en effet changé depuis la mort du maréchal d’Ancre et l’avènement au pouvoir du petit gentilhomme provençal, ni dans la constitution de l’état, ni dans les