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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

plus d’une année. Une entrevue, ménagée à Tours entre la mère et le fils n’avait amené d’autre résultat que de banales protestations d’attachement. L’ancienne régente s’inquiétait moins d’ailleurs de reconquérir le cœur de Louis XIII que de ressaisir ce pouvoir devenu la seule compensation de sa jeunesse évanouie ; de son côté, le jeune roi ne revit pas plus tôt sa mère que son ame se rouvrit à tous les soupçons qui devaient torturer jusqu’à la tombe ce martyr vivant des sollicitudes du trône.

Alors se passèrent des choses bien caractéristiques de ces temps de faiblesse et d’anarchie. Luynes, menacé par les grands qui se disaient trompés par lui, avait d’abord essayé de rapprocher le roi de la reine-mère ; puis, s’apercevant bientôt que l’ambition véritable de cette princesse était de reprendre la haute direction des affaires, il n’imagina rien de mieux pour paralyser ses forces que de lui opposer le prince de Condé et l’on vit tout à coup sortir de prison, après plus de trois ans de captivité, le chef de la turbulente faction princière. Ulcérée par cette mise en liberté, éclatante condamnation de l’acte principal de sa régence, la reine rompt aussitôt les rapports qu’elle commençait à nouer avec la cour, et fait appel à tous les ambitieux du dedans, à tous les ennemis du dehors. Les princes et les grands se divisent et s’agitent ; chacun fait ses conditions et exige des garanties à la pointe de son épée. Le Maine, l’Anjou, le Poitou et la Saintonge retentissent du bruit des armes au milieu de l’indifférence et du dégoût hautement manifestés par les populations, qui voient s’élever aux proportions d’une guerre civile la querelle personnelle de M. de Luynes et de M. d’Épernon.

Dans cette disposition universelle des esprits, une seule rencontre aux portes d’Angers suffit pour inspirer aux deux armées un égal désir de voir enfin leurs chefs compter la paix publique pour quelque chose. Ceux-ci comprennent que le moment est venu de cesser de jouer à la bataille. Des négociations sérieuses sont donc ouvertes où l’évêque de Luçon intervient activement, et, au mois d’août 1620, la lutte se termine par une transaction générale, assise sur les mêmes bases que toutes celles qui l’ont précédée. Les seigneurs des deux partis obtiennent toutes les conditions qu’il leur a plu de stipuler. Les modestes seuls sont dupes, aussi en est-il peu. Pour ne parler que du plus remuant entre les personnages de ce temps, le duc d’Épernon, cette médiocrité grandie par une insolence imperturbable, et qui n’a plus rien à demander pour lui-même, voit offrir à ses enfans un établissement immense, un duché-pairie, la survivance