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les hautes qualités de son esprit autant que les passions long-temps refoulées dans son cœur préparaient en silence à une lutte à mort contre l’anarchie seigneuriale. Lassée de ces crises et de ces avortemens éternels, la France appelait un pouvoir énergique avec l’entraînement qui la précipite dans le despotisme au sortir de tous les désordres, et Richelieu, après la régence, était presque Napoléon après le directoire.

Et quels problèmes politiques et sociaux étaient posés en France et en Europe ! À l’intérieur du royaume, les religionnaires, formant un état dans l’état, étaient en révolte à peu près permanente ; la cour se partageait en grandes factions auxquelles celle de Gaston d’Orléans, frère du roi, allait ajouter bientôt un large contingent de machinations et d’immoralités. Au dehors, l’Europe s’agitait tout entière sous le contre-coup de la réforme. La guerre de trente ans commençait en Allemagne, où le protestantisme, fruit indigène du sol et du génie natif, n’avait pas épuisé aussi promptement qu’en France sa première période de religieuse ferveur. L’empereur Ferdinand II venait de triompher de la Bohême et d’en chasser l’électeur Frédéric, sur la tête duquel le parti protestant n’avait pas craint de placer la couronne royale ; mais la défaite de ce prince, que son cœur ne mettait pas au niveau de sa fortune, n’avait pas éteint le courage des héroïques aventuriers qui levèrent bientôt l’étendard contre la maison d’Autriche. Les princes protestans recommencèrent la ligue de Smalcalde, et déjà la Suède se préparait à suivre le Danemark sur ce vaste champ de bataille. De son côté, l’empereur organisait la défense de l’unité politique et religieuse sur des bases non moins formidables, et devenait le lien de toutes les forces catholiques. S’élevant alors comme un astre étincelant sur l’horizon troublé de la Germanie, Wallenstein étudiait déjà dans les cieux les mystérieux présages de sa grandeur. L’empereur Ferdinand essayait de rendre leur vieille et étroite intimité aux relations de l’Autriche avec l’Espagne, et s’entendait avec le cabinet de San-Lorenzo pour dominer l’Italie. Reprendre l’œuvre de Charles-Quint était la pensée dominante de sa vie. Philippe IV, que la mort de son père venait d’appeler au trône d’Espagne, et qui tenait alors sous son sceptre l’Europe méridionale tout entière depuis Naples jusqu’à Lisbonne, entrait dans les vues de son parent avec une vivacité qu’entretenaient les inspirations de sa conscience et le soin de sa propre grandeur. Neutraliser l’Angleterre en y suscitant le parti catholique, amortir l’action extérieure de la France en mettant aux gages de l’Escurial