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deux autres faubourgs, à l’est celui de Villa-Nova, qui fait face à la baie de Quartù ; à l’ouest, celui de Stampace, qui conserve encore des vestiges de l’antique cité fondée par les Athéniens sous les Ordres d’Iolas, et enfin le Château, ou Castello, qui couronne la colline sur laquelle est bâtie Cagliari, et forme une acropole entourée d’une seconde enceinte qu’habitent les autorités et la noblesse.

La tour pisane de Saint-Pancrace s’élève au sommet de cette acropole ; celle de l’Éléphant en défend les approches. Ces constructions remontent à l’année 1307. Combien de fois je me suis arrêté à contempler ces tours massives que ne se lassait pas d’admirer Charles-Quint ! Combien de fois ai-je pris plaisir à repasser sous ces guichets qui gardent encore suspendue la herse aux lourds barreaux de fer à travers lesquels volaient les traits des arbalétriers ! Dans la vue de cette herse gothique endormie sur les deux poteaux qu’on a encastrés dans les rainures de pierre, dans la vue de cette herse rouillée et levée aujourd’hui pour toujours, il y avait encore pour moi tous les souvenirs d’un assaut de guelfes et de gibelins. C’est ainsi qu’à chaque pas on retrouve en Sardaigne quelque débris du moyen-âge laissé là par mégarde, et qu’on a oublié de détruire.

La colline de Cagliari est une de ces positions que recherchaient les anciens pour y asseoir leurs citadelles. Elle n’est accessible que par le faubourg de la Marine : sur ses trois autres faces, elle présente de formidables escarpemens qui défient l’escalade. Les fortifications de Cagliari sont du reste assez négligées. Le bastion de Sainte-Catherine, au sud-est de la ville, a été converti en promenade d’hiver. L’enceinte du château est fort dégradée et en partie désarmée ; elle ne figure plus dans le système de défense de la ville, qui paraît se concentrer du côté de la mer. J’ignore pourquoi, avec une pareille préoccupation, on a renoncé à entretenir les ouvrages qui défendaient les hauteurs de Saint-Élie et du mont Urpino.

À la distance de quelques milles, l’aspect de Cagliari, vue de la mer, est assez imposant ; mais, en approchant, on remarque je ne sais quel air de négligence et de dégradation répandu sur toute cette façade grisâtre. Les dômes des églises sont mesquins et écrasés, les clochers sans hardiesse, les maisons couvertes d’un badigeon qui a bavé partout. À part les souvenirs qu’ont laissés Pise et l’Espagne dans ces bastions bien assis, dans ces tours luisantes au soleil, il y a peu de monumens qui méritent d’être cités. Le palais du vice-roi, grand édifice sans caractère, a toute l’apparence d’une caserne. La cathédrale, commencée par les Pisans, restaurée et modifiée par les