Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
423
LA SARDAIGNE.

des anciens. Une large ceinture de cuir dans laquelle était passé un grand couteau l’ajustait contre le corps et servait également à conserver des cartouches. D’autres paysans étaient couverts d’une grosse capote appelée cabanù, qui n’est autre chose que le caban des Grecs ; mais le plus grand nombre était vêtu de la bestepeddi, sorte de pelisse rustique faite avec quatre peaux de moutons ou de chèvres dans leur état naturel, et sans manches, comme le collettù. C’est ce vêtement sauvage qui, du temps des Romains, portait le nom de nastruca, et qui valut aux Sardes, de la part de Cicéron, l’épithète de Sardi pelliti et de Sardi mastrucati.

Il y avait en général plus de richesse et d’élégance dans l’habillement des femmes. Celles qui étaient venues d’Iglesias portaient un corset en étoffe de soie, très serré à la ceinture et à manches étroites, un jupon de drap à plis très fins et très nombreux, garni dans sa partie inférieure d’une bordure de couleur tranchante, et, sur le devant, un petit tablier carré garni comme le jupon. Leurs cheveux tressés étaient renfermés dans une résille de soie attachée sur le front par deux gros rubans qui tombaient sur les côtés ; un mouchoir de mousseline brodé, lié sous le menton, cachait entièrement cette résille. Quelques jeunes filles d’Oristano se distinguaient par leur jupon rouge et un grand mouchoir carré à larges palmes qui, placé sur leur tête, retombait par derrière jusqu’à leurs talons.

La hiérarchie sociale est rigoureusement établie entre les femmes par une qualification particulière à chaque classe. La dama est une dame de haut rang ; la signora est une dame de condition moyenne ; la femme d’un médecin ou d’un avocat s’appelle nostrada ; celle d’un fermier contadina principale. L’arteggiana est l’épouse d’un artisan, et la contadina rustica celle d’un simple paysan. Dans les deux classes inférieures, les femmes sont chargées de presque tous les soins domestiques. Elles s’occupent en même temps des enfans et de la basse-cour, de la confection du pain et de celle des étoffes grossières que l’on fabrique dans l’île avec la laine des brebis. Ce sont elles aussi qui, la plupart du temps, vont chercher l’eau aux puits ou aux fontaines, souvent placés en dehors des villages. Portant sur leur tête l’amphore aux formes antiques, elles ont alors dans leur démarche une grace singulière. La tête rejetée en arrière, les reins bien cambrés, soutenant parfois d’une main le vase chancelant, elles marchent d’un pas ferme et assuré, sans répandre une goutte d’eau de l’urne remplie jusqu’au bord.

Il n’en est rien de mieux, pour conserver l’empreinte caractéristique