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lement M. Macaulay en parlant du fils de Marie Stuart, ce fut à la fois et le plus inoffensif et le plus irritant. Il jouait le rôle du picador des courses espagnoles, qui met le taureau en fureur, en agitant un drapeau rouge devant ses yeux et en lui lançant des traits assez acérés pour le piquer, trop légers pour lui donner la mort. » Il y a dans l’histoire peu d’ironies aussi amères que celle qui fit de ce prince, dépouillé de toutes les vertus, de tous les prestiges qui commandent la sympathie ou le respect, le souverain le plus infatué des prérogatives théoriques de la couronne. Ce n’était pas assez d’alarmer tous les droits, de soulever tous les intérêts contre les prétentions monarchiques par de puériles taquineries : Jacques n’avait que la pédanterie du despotisme ; il redoublait encore l’audace et la force de ses adversaires de tout le mépris qu’il appelait sur la royauté par le lâche empressement avec lequel il abandonnait ses prétentions à la moindre menace de résistance sérieuse. Il ne savait pas même se donner le facile mérite de céder de bonne grace aux progrès de la liberté, qu’il n’avait eu ni le pouvoir ni le courage d’arrêter : semblable à ces poltrons, auxquels M. Macaulay le compare, qui reculent avec une précipitation ridicule devant leurs adversaires et leur envoient encore, en fuyant, des malédictions et des injures. À la fin de son règne, le parlement le contraignit à abandonner les monopoles qui blessaient les intérêts du commerce anglais, et la chambre des communes, enhardie par cette victoire, voulut contrôler la politique extérieure du gouvernement. Jacques saisit ce prétexte pour engager sur l’origine et les pouvoirs de cette chambre une controverse aussi impuissante qu’irritante, sans s’apercevoir que ces droits n’avaient besoin que d’être contestés pour être solennellement constatés. Ainsi Jacques ne cessa pas un instant d’éveiller les défiances du peuple contre le pouvoir royal, et de lui donner de l’étendue et de l’exercice de ses droits une préoccupation toujours plus vive. Sous son règne, comme dans une situation analogue dont le cardinal de Retz a tracé cette vive esquisse, « l’on chercha comme à tâtons les lois, l’on s’effara, l’on cria, on se les demanda, et dans cette agitation, les questions que leurs explications firent naître, d’obscures qu’elles étaient et vénérables par leur obscurité, devinrent problématiques, et de là, à l’égard de la moitié du monde, odieuses. Le peuple entra dans le sanctuaire ; il leva le voile qui doit toujours couvrir tout ce que l’on peut dire, tout ce que l’on peut croire du droit des peuples et de celui des rois, qui ne s’accordent jamais si bien ensemble que dans le silence. »