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LES ESSAYISTS ANGLAIS.

dividus un rare effort de vertu de sacrifier leurs intérêts à leurs principes, Jacques II aurait dû comprendre que cela n’arrive jamais et ne peut arriver à un parti, parce que les intérêts d’un parti sont toujours antérieurs à ses principes, et que les principes d’un parti ne sont autre chose que la théorie de ses intérêts. La haute église prêchait l’obéissance passive, tant qu’elle croyait ses intérêts solidaires de ceux de la royauté ; mais lui demander de pousser jusqu’au suicide le dévouement à ses doctrines, c’était une de ces fautes contre le bon sens que l’on expie par les plus amers désappointemens. Jacques y perdit son trône.

Pour peu d’ailleurs que l’on ait suivi avec attention les mouvemens politiques du XVIIe siècle en Angleterre, on comprend que la révolution de 1688 et la substitution de la royauté consentie à la royauté de droit divin étaient nécessaires à l’achèvement des institutions anglaises. Il faut que les institutions aient aussi leurs sanctions pénales : pour les peuples et pour les rois, les révolutions en tiennent lieu. Cependant le supplice de Charles Ier, excès déplorable de la première violence du conflit, avait emporté les choses au-delà de l’accord pratique instinctivement poursuivi par l’Angleterre entre la royauté et la nation représentée. Le retour vers la royauté, à la restauration, avait été trop irréfléchi, trop abandonné pour que les limites normales et définitives du pouvoir royal pussent être fixées. De là les illusions de Jacques II, qui apprirent à l’Angleterre, par l’expérience des périls auxquels elles l’avaient exposée, les garanties rigoureuses qu’elle devait s’assurer vis-à-vis de la couronne. Il en fut stipulé d’excellentes dans la déclaration des droits : on fit bien sans doute d’enlever la convocation du parlement au bon plaisir du roi, en exigeant le vote annuel de l’impôt ; mais la plus forte de ces garanties fut le changement même de la dynastie. Pour que la royauté ne prît plus ses caprices pour des droits placés sous la consécration d’une légitimité abstraite, pour qu’elle consentît à les faire céder aux intérêts et aux volontés du pays, il fallait qu’elle tînt elle-même et son origine et ses droits du consentement formel du pays. Aussi M. Macaulay a-t-il parfaitement raison de dire « qu’à cette époque l’Angleterre avait plus besoin, pour roi, d’un usurpateur que d’un homme de génie. » Ce fut précisément ce caractère d’usurpation dont la royauté de fait établie en 1688 était entachée aux yeux d’un parti considérable et puissant, qui inculqua irrévocablement l’esprit et la pratique du gouvernement représentatif dans les mœurs mêmes des partisans du droit divin. En changeant de situation à l’égard de la