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faire voir à son lecteur tout ce qu’il a vu. S’il nous fallait signaler les morceaux du recueil de M. Macaulay le plus brillamment réussis à cet égard, nous indiquerions les études sur les deux hommes qui ont conquis l’Inde à l’Angleterre, Clive et Warren-Hastings, l’article sur Johnson, l’essai sur les lettres d’Horace Walpole. Nous indiquerions encore, comme un des meilleurs travaux de l’auteur, celui auquel l’Histoire de la papauté depuis le seizième siècle, par Léopold Ranke, a servi d’occasion ; M. Macaulay n’a pas seulement déployé, dans cette étude, ses belles qualités d’intelligence et d’expression ; il a montré dans l’appréciation difficile des doctrines, des institutions des hommes, que ce sujet l’amenait à juger, cette impartialité généreuse à laquelle la noblesse du cœur a toujours autant de part que l’élévation de l’esprit.

Malgré la sympathie que nous inspire le talent de M. Macaulay, nous ne serions pas en peine sans doute de lui adresser de justes reproches. Sa manière a aussi des exagérations, ces exagérations sont naturellement des défauts ; et qui peut se préserver de jamais faire de chute dans le sens vers lequel il incline ? Devant l’abondance, la fluency de M. Macaulay, on se prend parfois à regretter qu’il ne soit pas plus sévère dans le choix, et que, dans l’ardeur du premier jet, il n’ait pas retenu au passage telle figure triviale, telle métaphore d’un goût hasardé. M. Macaulay ne sait pas toujours contenir non plus la verve qui l’emporte dans l’énumération. Il rompt ainsi quelquefois la mesure des parties, et par suite l’unité et l’harmonie de la composition. Mais au lieu de gourmander M. Macaulay sur des fautes qu’il aperçoit assurément aussi bien que nous, puisqu’il les évite quand il veut, nous aimons mieux le remercier sans réserve du service que rend à la littérature politique la publication de ses Essais.

Nous n’avons pas l’engouement des choses anglaises, il s’en faut. Nous éprouverons toujours quelque répugnance à en conseiller l’imitation, de peur qu’elle n’aboutisse au travestissement absurde et au ridicule de la caricature. Nous ne pouvons cependant nous défendre de l’avouer, il nous semble que cet homme d’état qui, au ministère comme dans l’opposition, tient fermement la plume dans une revue, est pour nous un exemple et une leçon. Il ne faudrait pas croire d’ailleurs que cet exemple fût isolé, que M. Macaulay fît exception aux mœurs politiques de son pays ; au contraire, depuis que les revues ont été fondées en Angleterre, les hommes d’état y ont pris une part active. Pour ne citer que les plus récens, M. Canning écrivait dans le