Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/531

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
525
LES ESSAYISTS ANGLAIS.

Qarterly Review ; lord Dudley, qui avait le ministère des affaires étrangères dans l’administration de M. Canning, prêta à la même Revue une collaboration assidue. Plus d’un article de l’Edinburgh Review n’a pu être désavoué par tel où tel membre du dernier cabinet whig. Aujourd’hui même, le plus jeune et un des plus remarquables collègues de sir Robert Peel, le président du bureau du commerce, M. Gladstone, donne son patronage à une revue nouvelle ; il y prenait la parole, au commencement de cette année, pour exposer et justifier la politique commerciale de sir Robert Peel, et le mois dernier encore, pour intervenir en conciliateur dans les luttes que les tendances catholiques d’Oxford ont soulevées au sein de l’église anglicane. C’est que les hommes d’état anglais comprennent que la plume est une arme qu’il vaut mieux tenir soi-même que laisser à des lieutenans ou aux mercenaires, lorsqu’on est de force à la manier. D’ailleurs, l’union est ancienne déjà en Angleterre et aujourd’hui irrévocable entre la politique et les lettres, et toutes deux ont eu également à s’en féliciter. Les rapports de la littérature avec la politique sont à coup sûr un des intérêts les plus délicats et les plus importans de la littérature elle-même. Que la position de considération et de bien-être qui a été faite aux lettres dans une société ait toujours influé sur la fortune des lettres, les grands siècles n’en sont-ils pas une preuve assez éclatante ? En France, les lettres furent d’abord protégées, on sait avec quelle noblesse, sous Louis XIV. On sait aussi combien cette protection dégénéra lorsque les grands seigneurs et les fermiers-généraux achetèrent la convivialité des gens d’esprit qui n’avaient que de l’esprit, et les rabaissèrent à une sorte de domesticité dont on trouve le ressentiment amer en tant d’œuvres du XVIIIe siècle, entr’autres dans je ne sais plus quelle éloquente lettre de Voltaire à Thiériot, dans les mémoires de Duclos, de Marmontel, surtout dans les cyniques boutades du Neveu de Rameau, et dans les tristesses misanthropiques de Jean-Jacques ; En Angleterre, depuis 1688, les rapports de la littérature avec la politique furent différens ; à l’honneur de celle-ci, au profit de celle-là, ils s’ouvrirent par l’alliance : cette alliance fit l’éclat du règne de la reine Anne. Ce fut un beau temps pour les lettres, servies à la tête même des partis par des lettrés consommés, du côté des whigs par Somers et Montagne, du côté des tories par Bolingbroke ; le temps de Swift et d’Addison, le temps où le géomètre Newton était maître de la monnaie, où le philosophe Locke était commissaire du bureau du commerce, où Congreve, à vingt-deux ans, voyait le succès d’une première co-