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faire pour son compte la guerre aux murailles et aux franchises provinciales. Habile et modéré avec les populations protestantes, presque flatteur pour leurs ministres, il sut vaincre sans écraser, et dissoudre un parti formidable sans lui donner la ressource du martyr. À partir de cette campagne et de cette année 1629, la réforme cessa d’avoir en France une importance véritablement politique, et de peser d’une manière sensible dans la balance des factions. Privés de toutes leurs places de sûreté, sans être aucunement menacés dans la jouissance de leur liberté religieuse, les huguenots perdirent à la fois et les moyens et la volonté de se mettre à la solde des ambitions princières. Les partis succombent moins sous la grandeur des forces qu’on leur oppose que sous l’à-propos de l’agression et par le prudent usage de la victoire. L’attitude passive des églises protestantes du Languedoc dans l’insurrection qui éclata moins de trois années après, sous le malheureux duc de Montmorency, suffit pour faire comprendre la transformation radicale opérée dans ce pays par cette brillante campagne et par les mesures qui la suivirent. L’occasion paraissait belle pour essayer un mouvement auquel s’associaient le gouverneur de la province et le frère du monarque, mouvement que l’Espagne secondait de tous ses efforts ; mais l’esprit protestant ne vint point compliquer cette querelle, dont une telle intervention aurait pu changer l’issue. Écrasé par l’ascendant moral de la royauté triomphante en France et en Europe, dépouillé de toutes les positions qu’il avait conquises durant une lutte séculaire, le protestantisme n’était désormais qu’une secte religieuse, et il n’aspira plus à se faire compter pour autre chose. Richelieu lui avait ôté l’espérance, la seule force par laquelle vivent les partis. La solidité de la pacification religieuse opérée par le cardinal fut mise vingt années après à une épreuve non moins décisive. Vainement la fronde, cette dernière protestation contre le travail opéré par le ministre de Louis XIII, se cantonna-t-elle pendant quatre années dans quelques provinces méridionales du royaume ; vainement se fit-elle appuyer par une armée espagnole et par l’épée d’un grand capitaine : les religionnaires demeurèrent constamment étrangers à ces agitations et n’essayèrent pas d’unir une cause désormais perdue aux entreprises de parlementaires brouillons et de grands seigneurs désœuvrés. Jamais parti ne donna plus complètement sa démission ; il ne fallut rien moins que les funestes mesures de 1685 pour rendre au protestantisme français une sorte d’importance politique.

La tâche principale de Richelieu était donc consommée au dedans