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navires, longs de quatre-vingts à cent pieds, larges de vingt-cinq à trente, recouverts d’un enduit de tchounam et d’huile destiné à préserver le bois de la piqûre des vers, étant armés d’une manière convenable, seraient au moins de la force d’une de nos goëlettes de guerre. Les Arabes sont des marins actifs, intelligens, robustes et sobres ; ceux du Bahrain, ceux de Ras-al-Khyma (dont le scheik possédait une flotte montée par près de vingt mille hommes, et que les Anglais brûlèrent avec tous les chantiers et les arsenaux en 1806), ceux de Makalla, également adonnés à la piraterie, tous ces anciens forbans ramenés par la force à des habitudes plus pacifiques, savent conduire avec habileté non-seulement les navires propres à leur pays, mais encore les bâtimens de construction européenne sur lesquels ils sont embarqués. La marine de l’iman de Mascate en a donné la preuve quand sa flottille a manœuvré de conserve avec des frégates anglaises. De tous ces petits sultans et scheiks jadis d’humeur si guerroyante, à demi soumis à la Porte et complètement dominés par la puissance britannique, au point qu’ils n’osent mettre dehors une barque armée sans consulter le bon plaisir du gouverneur de Bombay, l’iman Seïd est le seul vraiment puissant ; indépendant du grand-seigneur, forcément allié des Anglais, avec lesquels il fait un commerce considérable, et qui l’ont aidé à se défendre contre les Wahhabites, il a des corvettes fort belles, construites à Kotchin, à Maulmein, par des ouvriers hindous et birmans, mais sous la direction d’ingénieurs européens. La possession d’Hormuz, de Kichm, et d’une partie du Moghistan, sous la suzeraineté du shah de Perse, celle de l’île de Zanzibar et de quelques places sur la côte même d’Afrique, favorisent le développement de sa marine ; ses navires, dépassant la ligne dans la direction du cap de Bonne-Espérance, s’aventurent jusqu’à Anjouan, aux îles Comores, dont les habitans ont depuis des siècles embrassé l’islamisme, dans les lointains parages de Mozambique, où des négriers portugais les ont parfois enlevés pour réduire les matelots en esclavage, vengeant ainsi sur d’autres musulmans et dans d’autres mers les anciennes injures de Maroc et d’Alger.

À côté du dow, qui représente le bâtiment arabe par excellence, il faut placer le baggerow ou bagglow, plus particulier au golfe de Cutch, monté le plus souvent par des matelots de l’Oman et du Bahrain, quelquefois aussi par des Hindous musulmans. Plus lourds que le dow, plus larges encore en proportion de leur longueur, coupés carrément à l’arrière sans saillie au-delà du gouvernail, ces bateaux pesans,