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de quarante milles une quantité de grains déterminée pour la consommation du peuple ; il est probable que ce droit a été converti ou abrogé depuis l’abolition des fiefs.

Quand le système féodal n’avait encore souffert aucune atteinte, le vice-roi qui gouvernait l’île exerçait pleinement la délégation du pouvoir royal. Les revenus même qui composaient ses émolumens avaient un parfum de féodalité et de pachalick. Ce n’était point pour cinquante ou soixante mille livres qu’un général représentait alors la royauté en Sardaigne. Le vice-roi, à cette époque, était le premier des feudataires de l’île, levant sa liste civile sur tous les habitans, et percevant de toutes parts une foule de petites contributions et de redevances qui lui étaient payées annuellement en nature ou en argent. L’Espagne, ou même le Piémont, trop éloignés de la Sardaigne pour faire arriver régulièrement leurs ordres jusqu’à leur délégué, lui abandonnaient entièrement le gouvernement de l’île ; mais la politique ombrageuse que la monarchie espagnole avait transmise avec la possession de cette nouvelle province à la maison de Savoie, cette politique imprévoyante et funeste avait pris en même temps pour règle invariable de remplacer au bout de trois ans ces gouverneurs tout-puissans. Une étiquette puérile voulait aussi que le nouveau vice-roi entrât en fonctions sans communiquer avec son prédécesseur, qui devait quitter la ville aussitôt après l’installation du gouvernement qui lui succédait. Les exigences de l’étiquette cachaient toujours en Espagne quelques alarmes. Le pouvoir royal, fort indifférent aux suites de cette instabilité dans la direction des affaires, s’inquiétait peu que l’administration demeurât stérile, pourvu que son influence ne devînt jamais dangereuse. Telle est la pensée jalouse qui a toujours dirigé la politique espagnole. Ces soupçons constans, cette défiance qui se prend à tout, se retrouvent d’ailleurs dans la plupart des monarchies absolues. C’est la cause de leur décadence ; c’est le ver rongeur qui les mine et la juste expiation de leur pouvoir sans bornes.

Aujourd’hui que la Sardaigne, devenue une des six intendances des états sardes, n’est plus, grace à l’invention de Fulton, qu’une province aussi rapprochée de Turin que Nice ou la Savoie, le vice-roi, bien qu’il ait conservé quelques prérogatives royales, telles que celle d’user du droit de grace au moins deux fois l’an, le vice-roi n’est plus que le chef des administrations civile et judiciaire, le commandant des forces de terre et de mer, concentrant en ses mains les attributions de nos préfets et celles de nos commandans de divi-