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bien autrement majestueuses et mélancoliques si on les avait laissées isolées au milieu de la plaine de l’antique Athènes, dans toute la poésie du silence et de la solitude. Malheureusement le roi Louis de Bavière ne voulut jamais permettre qu’on écoutât sur ce point le vœu de la nation ; il décida que la ville renaîtrait à l’endroit même où elle était ensevelie. Ce n’est pas le seul reproche qu’on puisse lui faire. En naturalisant dans les états de son fils et aux dépens de ses sujets son goût pour les arts, le roi de Bavière a oublié d’importer en Grèce le système financier au moyen duquel il a pu rassembler dans sa capitale, ainsi qu’Adrien dans sa villa voisine de Tivoli, tous les monumens qui l’ont le plus frappé dans ses voyages. On m’a assuré à Munich que, pour satisfaire son goût favori, le roi prélevait sur chaque administration une sorte d’impôt. Le budget de la guerre surtout, s’il faut en croire les Bavarois, serait presque entièrement détourné au profit des travaux publics. Un grand officier vient-il à mourir, au lieu de désigner un successeur, on laisse, pendant quelques années, sa place vacante ; le roi touche ses appointemens, et à la perte d’un général, la Bavière gagne une statue, un tableau ou le fronton d’un temple. Assurément on ne saurait blâmer cette méthode. L’armée ne se désorganise pas faute d’un officier ; les frontières du pays ne sont pas pour cela envahies, et Munich devient une ville d’année en année plus curieuse. En Grèce, loin d’adopter ce système, on a épuisé les ressources d’un trésor appauvri en payant à prix d’or une armée inutile, et en construisant à grands frais, dans le même temps, des édifices absurdes.

Le jour même de mon arrivée à Athènes, je reçus, en réponse à une lettre de recommandation, envoyée dès le matin, une invitation de bal pour le soir. Cette invitation me réjouit, elle offrait un nouvel attrait à ma curiosité. Sans doute la modeste capitale du roi Othon ne ressemblait guère à cette superbe Athènes que j’avais si souvent rêvée ; mais, chez ses habitans, n’aurais-je pas à étudier des coutumes intéressantes, des mœurs pour moi nouvelles ? Cet espoir me restait, et je partis pour le bal, comptant bien que les hommes me dédommageraient des pierres. Un fiacre me conduisit chez mon amphitryon. Selon une mode tout-à-fait parisienne, deux lampions posés sur les bornes de la porte d’entrée servaient de fanaux aux invités. Dans le vestibule, un valet de pied en grande livrée me débarrassa de mon manteau ; un second domestique m’annonça dans un assez beau salon meublé à la française. La réunion était déjà complète. Les hommes, uniformément vêtus d’habits noirs, se pressaient